lundi 18 juin 2018

Chroniques vampirologiques Au fond du trou

  Etendue dans sa tombe froide, la faim commence à envahir la créature qui reste immobile, les yeux ouverts dans le noir. Depuis plusieurs jours, elle tente de percer la paroi de bois qui l'entoure. Ses mains aux ongles cassés par les tentatives pour s'extirper de sa prison lui font mal et elle grimace de douleur dans sa boîte. Elle ramène le tissu de son linceul autour d'elle avant de le mastiquer longuement. Il lui faudra sortir un jour, elle ne pourra pas toujours tromper la faim dévorante qui lui brûle les entrailles. Elle n'a plus de passé et elle ne comprend pas bien où elle est. Mais son instinct lui dit qu'elle doit quitter cette prison de bois au plus vite pour survivre. L'appel du sang se fait sentir mais elle n'ose pas s'aventurer dehors, pas encore. La peur est plus forte que la faim.

  La journée se passe dans des cauchemars où s'entremêlent des bribes de sa vie passée. Le soir venu, la créature ouvre les yeux et elle pousse de toutes ses forces sur la paroi de bois au-dessus d'elle. Des heures durant, elle s'acharne, la panique l'envahit, elle sent que l'aube se rapproche. Lorsque le panneau de bois se soulève enfin, de la terre tombe sur ses vêtements mais l'air frais qui lui parvient le lui a fait oublier. Debout dans son cercueil, le vampire réfléchit à la manière de se hisser hors du trou. Il note que la terre est encore meuble, sa tombe est récente même si le vampire ne parvient pas à évaluer le temps passé depuis sa mise en terre. Des trous, creusés par les fossoyeurs, dans la paroi de terre tassée par les années et dure comme la pierre lui servent d'échelle et il touche enfin l'herbe où il s'allonge. La faim lui tord les entrailles et il se met à quatre pattes pour courir sur la pelouse. Un chien errant lui sert de dîner et sa part d'humanité le regarde dans une plaque commémorative en métal. Il voit la créature qu'il devient et il imagine l'évolution à venir. Le vampire sent que le soleil va bientôt faire son apparition et il réfléchit. La mort dans l'âme, la créature s'étend dans la couche confortable formée par la terre retournée juste à côté du trou béant de sa dernière demeure. Elle attend le lever du soleil et sa délivrance. Apaisée, la créature s'endort et elle ne se réveille que lorsque la brûlure du soleil la mord atrocement. La douleur la consume et de longues minutes de souffrance l'attendent, elle le sait mais la délivrance est à ce prix.   Le mort-vivant amène son bras à sa bouche, il soupire, le renifle longuement puis il se résigne à mordre dedans. La douleur est intense mais il n'en a cure. La chose mastique longuement puis elle recommence encore et encore avant de s'assoupir le ventre plein. Le matin se lève et elle entend les bruits autour d'elle, le sol vibre et des voix lui parviennent. Elle s'assoupit et plus rien ne lui parvient du monde extérieur.