jeudi 30 juillet 2020

Sangrillon (18+)

*ceci n'est pas un conte de fée* *meurtre/viol/inceste*

   Sangrillon était une petite fille qui vivait heureuse dans le manoir de ses parents. Lorsque sa mère mourut, son père envisagea de se remarier pour donner une père à sa fille. Il choisit une femme de son rang, mère de deux fils de l'âge de Sangrillon. Les enfants ne s'entendaient guère mais faisaient bonne figure devant leurs parents qui faisaient de même. Malheureux de s'être laissé berner par cette femme froide et hautaine qui n'en voulait qu'à sa fortune, son nom et son titre, le brave homme sombra dans le chagrin et l'alcool.

   Un soir qu'il avait ruminé son amertume avec une bouteille de wyskie pour compagne, il sortit en titubant, traversa la cour et tomba dans le puits où il ne fut découvert qu'au matin, mort. Désormais orpheline de père et de mère, Sangrillon qui croissait chaque jour en beauté devint servante dans la maison familiale héritée de ses ancêtres. La marâtre et ses fils ne manquaient aucune occasion de l'humilier. Un soir, elle trouva sa chambre fermée à clé et la mère de famille lui désigna le grenier traversé par les vents et garni de toiles d'araignées. A pas lents, la fillette monta les marches en sanglots et elle s'endormit parmi les souris qui se blottirent contre elle.

   Les années passèrent et la jeune fille croissait en beauté et en charme. Elle attira l'attention de ses demi-frères qui commencèrent à la tourmenter. Ils lui faisaient refaire inlassablement les mêmes tâches avant de l'insulter copieusement. Accablée de travail, elle ne se plaignait jamais et dans le grenier sombre, elle rêvait d'un avenir meilleur délivrée de ses tourmenteurs et maîtresse de la fortune qui lui revenait. Son cœur se fendait lorsqu'elle songeait au château qui tombait en ruine faute d'entretien et à la fortune dilapidée pour satisfaire les inombrables caprices de ses demi-frères.

   Une nuit que les deux adolescents rentraient avinés, ils grimpèrent jusqu'au grenier et Sangrillon se raidit lorsqu'elle sentit leurs mains courir sur sa chemise de nuit avant de la lui arracher. Consciente qu'elle ne trouverait nulle assistance auprès de sa belle-mère, elle supporta leurs caresses maladroites et lorsqu'ils se retirèrent en riant, elle ne put retenir une larme. Au fil des jours, les caresses se firent plus précises et insistantes et vint la nuit où l'aîné s'introduit en elle avec violence, prenant sa virginité et toute la douceur qui vivait en elle bientôt suivi par son frère qu'il encourageait en fumant une cigarette. Meurtrie, Sangrillon resta seule étendue sur son lit en tortillant ses cheveux de miel entre ses doigts. Elle sentait les larmes chercher à inonder ses yeux mais elle savait que personne ne se chargerait de les essuyer. Puis elle entendit l'horloge carillonner et elle se força à se lever pour se préparer. Alors qu'elle préparait le petit-déjeuner, le cœur lui manqua et elle se sentit défaillir, prête à vomir. La jeune fille se redressa et elle lissa son tablier blanc avant de monter les plateaux. Les dents serrées, elle supporta les mains avides de ses demi-frères sur et sous ses vêtements en affichant une indifférence étudiée. Puis, la domestique vaqua à ses occupations habituelles.
- Je pourrais verser du poison dans le thé de toute la maisonnée. se disait-elle chaque jour depuis la mort de son père mais elle n'en trouvait jamais le courage.

   Trois mois plus tard, elle se réveilla nauséeuse et avec horreur, Sangrillon comprit qu'elle était grosse d'un de ses demi-frères.
- Et je ne sais même pas qui est le père. songea-t'elle avec tristesse. Je ne peux confondre le géniteur car l'accusation d'inceste nous conduirait à la mort. Je n'ai que peu de solutions, la fuite mais on me retrouvera ou pire.

   Trois jours plus tard, la jeune fille se décida. A la nuit close, elle se rhabilla en silence deux heures après le passage de ses demi-frères dans sa couche. En silence, elle descendit jusqu'au rez-de-chaussée puis elle gagna la remise avant de remonter à l'étage. Elle écouta, tous dormaient.
- Parfait! se dit-elle avant de pénétrer dans la chambre de l'aîné.
Elle l'observa dans le peu de lumière laissé par la lune depuis le couloir.
- Il est beau, yeux bleus, cheveux châtain clairs bouclés avec délicatesse, un visage fin, des mains d'artiste. Un visage d'ange qui cache un cœur noir.
Elle leva la hache et lui trancha la gorge dans son sommeil. Un gargouillis lui parvint tandis qu'elle pénètrait chez son autre demi-frère. Elle ne passa guère de temps en contemplation devant lui et la hache fit de nouveau son œuvre, lui brisant la cage thoracique suite à un calcul maladroit. La victime hurla tandis que la hache se levait de nouveau pour lui fendre le crâne avec force. La jeune fille manqua lâcher l'outil lorsqu'elle rencontra l'os mais elle tint bon.
Un cri la fit se retourner et elle se trouva face à sa belle-mère, horrifiée. Avec un soupir résigné, Sangrillon leva de nouveau la hache.
- J'ai mal aux bras, je suis fatiguée. songea-t'elle tandis que le fer rencontrait l'os et la chair au creux du ventre de la maigre femme qui se plia en deux sous le choc tandis que ses entrailles se répandaient sur le parquet.

   Epuisée, Sangrillon resta un long moment accoudée au bord du lit à reprendre son souffle. Puis, la jeune fille se leva, lissa sa robe tachée de sang et elle se rendit dans sa chambre où elle se lava avec soin avant de se changer. Puis, elle marcha jusqu'à la grille dont elle brisa la chaîne d'un coup de hache. Elle jeta l'arme dans un fossé et elle se rendit à pied jusqu'au poste de police. En chemin, elle jeta ses vêtements souillés sous un buisson.
- Même si on les trouve, p ersonne ne pourra remonter jusqu'à moi. se dit-elle en haussant les épaules.
Arrivée au poste de police, elle se fit introduire auprès de l'agent de garde cette nuit-là.
- Je suis Sangrillon, la fille de monsieur de Démène et ma belle-mère m'a envoyée chercher des renforts. Elle dit avoir entendu du bruit. Elle vit seule avec ses deux fils et...
- Je connais bien cette famille, allons voir.
Une fois sur place, le policier ne put que constater les meurtres.
- Je suppose que le voleur a réveillé votre belle-mère qu'il a tuée avant de vérifier qu'il ne restait personne dans la maison. Par précaution, il a tué vos demi-frères. Je suis désolé, nous arrivons trop tard. Je vais chercher mes collègues, venez avec moi.
Après enquête, la hache retrouvée dans un fossé accrédita la thèse du vagabond qui a fui en entendant du bruit après avoir tué les occupants de la maison.

   Satisfaite, Sangrillon sirote une tasse de thé en écoutant le prince lui raconter comment il s'est perdu lors d'une chasse jusqu'à se retrouver devant la grille du château.
- Mon père organise un bal à la cour ce soir. Venez, vous sortez à peine de votre deuil, ce sera l'occasion parfaite de revenir dans le monde. Je serais ravi de vous revoir. Mon père espère vivement que je trouve une épouse durant ce bal, aussi, si vous voulez être ma reine, je serais ravi de...
- Je viendrai mais personne ne doit jamais rien savoir de la tragédie qui a touché ma famille ni de notre rencontre. Je préférerais quelque chose de plus romantique, de moins tragique, vous voyez?
- J'en parlerai à l'écrivain royale, ma chère Sangrillon. dit-il en lui baisant la main.
- Appelez-moi Cendrillon. chuchota la jeune fille en rougissant.

mardi 28 juillet 2020

Chroniques vampirologiques Eternité et amours contrariées

Un bruissement d'ailes fait sursauter l'homme qui se retourne le cœur battant. Une chauve-souris marron le fixe de ses yeux injectés de sang. Il siffle pour la chasser en la fixant droit dans les yeux et la créature ailée s'envole en glapissant son indignation.
- Où êtes-vous? interroge-t'il à voix basse en cherchant dans la nuit. Kate?
La nuit reste silencieuse et il commence à s'inquiéter.
- Je pense être la seule créature nocturne dans les parages pourtant... Un autre vampire? Je le saurais, je pense. s'interroge-t'il en écoutant avec plus d'attention. S'il lui était arrivé quelque chose? Ou si elle ne venait pas?
Un trottinement le fait se retourner près de la grille en fer forgé du cimetière et il soupire de soulagement, elle est là. Il se rapproche et il voit la jeune fille lui sourire.
- Drôle de lieu pour un rendez-vous? Vous ne trouvez pas? Vous avez oublié de me donner votre numéro de téléphone...
- Mon téléphone est en réparation et nous nous sommes croisés si brièvement tout à l'heure que j'ai dit la première chose qui m'est passée par la tête. répond-il, bien conscient que c'est une erreur qui pourrait lui coûter l'anonymat qui le protège depuis quatre siècles.
La jeune fille regarde autour d'elle et elle hausse les épaules.
- C'est original pour un premier rendez-vous. admet-elle en repoussant ses cheveux blonds en arrière. Venez, allons boire un verre dans un endroit plus approprié.
Il la suit à contrecoeur en s'interrogeant. Il craint que son teint pâle et ses vêtements démodés qu'il a volés dans une tombe fraîchement creusée et soigneusement refermée ne le trahisse. Il examine la chemise blanche et le strict costume noir soigneusement coupé en se disant que cela devrait faire l'affaire. Il rougit légèrement à l'idée qu'il a dépouillé un mort pour ce rendez-vous improvisé.

Dans le bar où ils s'installent, il se souvient qu'il n'a pas d'argent mais il est soulagé que son interlocutrice paye pour eux deux sans poser de questions.
- Il y a bien longtemps que je n'ai pas été dans ce genre d'endroits. souffle-t'il en souriant.
- Vraiment? s'étonne Kate en poussant le verre de coca vers lui.
Ils trinquent et il grimace lorsque sa langue rencontre le liquide inconnu. Les bulles lui piquent les papilles et le goût trop sucré lui déplaît mais il ne dit rien. Il lit l'étiquette avec attention mais la liste d'ingrédients le laisse perplexe et il hésite à questionner sa compagne sur cette boisson inconnue qui n'est pas aussi rafraîchissante que voudrait le lui faire croire l'étiquette.
Il la raccompagne et il se rend compte qu'il a évité la ville alors que personne ne fait attention à lui. Il a bien noté quelques regards curieux à son encontre qu'il attribue à son teint blafard mais il estime être passé relativement inaperçu.
- Le monde a changé. se dit-il. Je pourrais peut-être y trouver ma place. Il faut bien sûr que je trouve à me nourrir une fois par mois mais si j'ai réussi à trouver des cadavres frais dans le cimetière, je devrais pouvoir continuer. Le goût du sang est altéré mais je ne peux pas tuer des êtres humains sans risquer de gros ennuis. Un siècle que je me débrouille en suçant le sang de chats ou de chiens errants, de cadavres humains frais, de chauves-souris ou de rats, je peux bien continuer. Mais je ne peux pas sortir de jour ou avoir un logement normal. Et abandonner ma tombe? Ce serait un déchirement. Cette histoire n'a pas d'avenir, même si mon cœur me pousse vers elle.

Dans un accès de douleur, il sent ses pensées s'emballer et il hurle dans la nuit.
- Je vais redevenir humain par n'importe quel moyen. J'ai enfin rencontré l'amour et je ne vais pas le perdre à peine trouvé. se jure-t'il en levant le poing vers la lune.
Les larmes aux yeux, il rejoint sa tombe car il sait que le jour ne tardera pas à se lever. Il reste prostré toute la journée en attendant le moment où il pourra sortir. Au fil des heures, il sent la folie le gagner et il hurle en silence, les lambeaux de son linceul dans la bouche pour étouffer le bruit des grognements qu'il ne peut retenir. Il regrette sa mort si jeune avant d'avoir pu vivre et il maudit le vampire qui l'a mordu. Il ferme les yeux et il se remémore l'instant où il l'a retrouvé et lui a planté un poignard dans le cœur en représailles pour sa vie gâchée.
- Je vais mettre fin à cette malédiction, je vais trouver comment faire! se promet-il en s'allongeant, les mains croisées sur la poitrine, empli d'une résolution nouvelle.

jeudi 23 juillet 2020

Changement d'heure

Je n'arrive pas à dormir, je reste les yeux fixés au plafond dans l'obscurité de ma chambre. J'étouffe, il fait chaud mais je n'ai pas le courage de me lever pour ouvrir la fenêtre. J'hésite à me tourner pour regarder l'heure mais je sais que calculer le nombre d'heures de sommeil qu'il me reste avant que le réveil ne sonne ne me servira à rien.
- Cette nuit, c'est le changement d'heure, on gagne une heure de sommeil. me dis-je pour me rassurer.
Puis je serre les dents.
- Satané changement d'heure. Je vais être fatigué pendant deux semaines pour recommencer dans six mois! 2021, dans un an, ce sera la fin de ce système. D'un autre côté, ne pas devoir se lever à six heures tous les matins mais gérer mon heure d'arrivée et de départ du bureau serait l'idéal. Mais avec mon patron qui veut m'avoir à l'oeil et qui surveille en permanence ce que je fais, qui me demande toutes les heures où j'en suis à croire qu'il veut juste me déconcentrer dans mon travail...

Boudeur, je me retourne dans mon lit et j'étends mon bras avant de me rappeler que mon ex m'a quittée il y a déjà six mois. Mais les habitudes ont la vie dure. J'hésite à me lever mais je renonce et je fixe de nouveau le plafond, j'essaie de percer l'obscurité de la chambre mais ce dessein est vain. J'écoute les bruits de la rue, les voitures qui passent à intervalle régulier, les scooters et les motocyclettes dont le bruit me fait grimacer. Je sais par expérience que si je ne parviens pas à m'endormir, je cours le risque de ne pas entendre mon réveil au matin. Je tasse mon oreiller et je me cale dessus puis je ferme les yeux en essayant de faire le vide dans mon esprit.
- Cinq heures, le réveil sonne dans cinq heures. Si tu parviens à t'endormir maintenant d'un sommeil réparateur, tu peux limiter fortement les dégâts. Tu te coucheras tôt ce soir et tout se passera bien.

Le réveil sonne et j'ouvre les yeux. Je suis fatigué mais j'évalue la situation: la journée sera dure mais ça ira. Je me lève d'un bond pour résister à la tentation de me rendormir mais sitôt debout, je me laisse tomber en arrière et je m'enroule dans mon dessus de lit en souriant de bonheur.
- Tu dois te lever, si tu te rendors, tu es fichu.
Avec un soupir, je repousse les draps et je me hâte de faire chauffer mon thé pendant que je prends ma douche. Lorsque je m'installe devant la brioche qui m'attend sur la table de la cuisine, je regarde l'heure et je fronce les sourcils. Lorsque je me souviens du changement d'heure, je grogne et je me lève pour aller chercher mon téléphone portable qui est à la nouvelle heure.
- Je vais être en retard. me dis-je à moi-même d'une voix morne.
J'avale mon thé et j'engloutis une tranche de brioche sans appétit avant de prendre mes vêtements et filer sous la douche. Lorsque vient l'heure de partir, je sens une boule d'angoisse au creux de mon ventre mais je la chasse.

Le bus est en retard et je m'engouffre avec difficulté dans le véhicule. Pas de place assise, je m'accroche comme je peux et je compte les arrêts. Lorsque je descends, je me dirige vers l'entreprise où je travaille à pas lents et je pousse la porte vitrée avant de m'installer à mon poste Je consulte mon agenda, je suis seul, mon patron est en réunion.
- Antoine, vous êtes renvoyé. Vous n'êtes pas venu travailler hier, vous avez ignoré mes appels téléphoniques. Je ne veux rien entendre, votre période d'essai est terminée! Veuillez prendre vos affaires et quitter les lieux.
Bouche bée, je regarde l'homme qui me fait face et je me mets à bredouiller.
- Je ne comprends pas, le changement d'heure...
- Etait hier! Nous sommes mardi!
- Non, nous sommes dimanche... Je... Je veux dire que si j'avais eu un week-end de trois jours, je l'aurais remarqué.
- Au revoir et bonne chance, Antoine. me dit mon ex-employeur d'un ton sans réplique.
Je prends mes affaires, les larmes aux yeux et je cherche à comprendre.
- Et si ce n'était pas un changement d'heure mais un changement de jour? Et si l'heure avait tourné à l'envers? Et si je suis fou?

mardi 21 juillet 2020

Mot d'excuses

Cher monsieur Trük,

Je vous envoie cet email parce que mon téléphone refuse de capter et que je ne peux pas vous appeler. J'ai été enlevé par des extraterrestres et la soucoupe volante passe en mode invisible tout en s'élevant dans les airs. De plus, le bruit est assourdissant, j'ai toujours cru que les soucoupes volantes étaient silencieuses. Peut-être électriques. Bref, tout ça pour vous dire que je ne viendrai pas travailler aujourd'hui et que je ne sais pas quand..."

Roger hésite à continuer sa missive mais il décide qu'il en a assez fait. Il envoie son courrier électronique et il sourit. Il n'aura pas besoin d'aller travailler aujourd'hui. Il a tout manigancé, fabriqué de fausses preuves durant la nuit. Il réapparaîtra en fin de journée, donnera sa démission puis il racontera sa petite histoire. On le mettra en arrêt, personne ne pourra rien prouver, il fera semblant d'accepter les soins et de progresser. Dans quelques mois, il se déclarera apte à reprendre le travail mais pas sur le lieu de son enlèvement. Trop traumatisant, vous comprenez?

Il ne peut pas être muté donc son employeur acceptera une rupture conventionnelle. Il n'aura pas à menacer son employeur qui le rabaisse à longueur de journée, se moque de ce qu'il fait de se mettre en arrêt pour obtenir de pouvoir partir sans démissionner et perdre ses indemnités. Il pourra se reconstruire avant de retrouver un emploi digne de ce nom.

Journal d'un assassin

Cher journal,

Aujourd'hui est un grand jour. Il est temps pour moi de me remettre au travail. Après deux mois de vacances forcée pour me faire oublier des services de police, le moment est venu de reprendre du service. Je compte m'enfoncer dans les ruelles sombres de la capitale pour y dénicher quelque proie à faire passer de vie à trépas. J'ai soigneusement nettoyé mes outils de travail pour entreprendre ma tâche. Je me délecte à l'avance de sentir la vie s'écouler hors du corps de ma victime, ses yeux suppliants qui tentent de m'amadouer, écouter religieusement ses dernières paroles et la voir sombrer dans un éternel sommeil avant de me fondre dans la nuit.

La dernière... La dernière. Une jolie rousse d'une vingtaine d'années. Je l'ai suivie alors qu'elle sortait de l'université. Petite, un peu ronde mais tout en douceur. Jupe courte, un peu trop. Veste bon marché, parfum bon marché, sac à franges en faux cuir élimé, escarpins au faux cuir craquelé par endroits. Une étudiante pauvre qui tente de donner le change. Elle n'a pas fait attention à moi, elle marchait dans la rue presque déserte hormis quelques voitures qui passent. Elle a pianoté sur son téléphone portable durant quelques minutes. Penchée sur l'écran, ses longs cheveux vaporeux masquaient son visage. Et me masquaient. Elle ne m'a pas vue mais moi, je l'ai vue.

Nous avons marché durant de longues minutes, elle a longé le canal, je marchais quelques mètres derrière elle de l'air indifférent du flâneur qui suit la personne devant lui sans s'en rendre compte. De temps en temps, je m'arrêtais, les mains dans les poches pour nourrir les canards. Sans perdre de vue ma proie, bien évidemment.

Le jour a commencé à décliner et j'ai souri, il me serait plus facile de passer inaperçu. J'ai craint qu'elle ne grimpe dans une voiture mais elle a pris le bus et j'ai su que j'avais ferré ma proie. Je suis monté après elle et je me suis assis deux sièges derrière ma victime. J'ai mis mon baladeur sur mes oreilles et je lui ai jeté des coups d'oeils à chaque arrêt, je n'allais pas laisser ma proie m'échapper. Je suis descendu au dixième arrêt, le jour déclinait, c'était parfait. Je l'ai suivie de loin puis je me suis rapproché. Une ruelle sombre sur le côté, je l'y ai poussée avec violence. Comme prévu, elle a vacillé sur ses hauts talons et n'a pas songé à crier dans sa surprise. J'ai sorti un lacet de ma poche et je l'ai passé autour de son cou avant de serrer très fort. Elle ne s'y attendait pas et elle a tenté de crier, instinct de survie qui a vidé l'air contenu dans ses poumons. J'ai resserré le lacet de cuir autour de mes doigts et je l'ai sentie s'endormir entre mes bras.
- Dors d'un sommeil éternel. lui ai-je murmuré à l'oreille avant de serrer le nœud avec fermeté la condamnant à coup sûr.
Restait à faire disparaître le corps. Le fleuve n'était pas loin, je l'ai cachée sous un buisson touffu et j'ai attendu après m'être assuré que personne ne la trouverait. A nuit close, je suis revenu, j'ai tiré son corps jusqu'au fleuve, le quartier est mal éclairé, je le savais. Le courant est fort, il emportera le corps vers la mer. Elle est méconnaissable, j'ai coupé ses doigts pour éviter qu'on ne prenne ses empreintes digitales, cassé ses dents pour que ses empreintes dentaires ne servent pas à l'identifier, j'ai découpé ses vêtements et tout jeté dans le fleuve.

mardi 14 juillet 2020

Un petit grain de sable

grain de sable sous la dent recraché
grain de sable dans une bouteille cassée et jeté aux ordures
grain de sable dans du béton après envol par le vent béton qui finit au recyclage mais s'envole
grain de sable avalé par une huître
grain de sable qui colle à la paroi coincé entre le manteau et la nacre
grain de sable qui devient un mabe
grain de sable décollé coulé dans de l'or en fusion qui devient bijou
grain de sable qui se love contre le sein palpitant d'une femme
grain de sable délaissé au fond d'une boîte à bijoux
grain de sable transmis de mère en fille
grain de sable qui prend la poussière sur une étagère
grain de sable utilisé comme porte-bonheur
grain de sable porté lors d'une rencontre
grain de sable porté par une mariée qui s'avance dans la grande salle


samedi 11 juillet 2020

Arc-en-pleurs

  Les yeux levés vers le ciel, elle ferme ses paupière pour échapper à la lumière qui l'aveugle. Elle sent son maquillage maculer ses joues blêmes et son tee-shirt blanc mais elle n'en a cure. Elle ouvre les bras pour accueillir la pluie qui tombe du ciel gris et lorsque le premier grondement du tonnerre éclate, elle sent les vibrations faire trembler sa cage thoracique. Son cœur fait une embardée et la pluie redouble d'ardeur pour la laver de ses douleurs passées. Elle sourit faiblement alors qu'elle sent le froid l'envahir. Sa peau glacée par l'eau tombée du ciel pâlit et ses veines ressortent semblables aux ruisseaux qui se forment dans la terre détrempée du jardin.

  La pluie cesse et elle ouvre les yeux pour voir un arc-en-ciel lui faire un sourire inversé. La jeune fille sourit et elle reste un long moment à s'emplir des couleurs qui déchirent le ciel redevenu bleu. Les couleurs s'estompent et elle baisse les yeux pour regarder autour d'elle. Puis, elle se met en marche d'un pas assuré, lavée des douleurs qui tordaient son cœur.