Un couinement fait sursauter l'homme qui regarde autour de lui. La
mer de maïs semble vouloir le noyer mais il baisse les yeux à terre
à la recherche de l'intrus. Enfin il l'aperçoit, un gros chien le
regarde venir à lui, immobile. Plus il s'approche, plus il se dit
que ce chien ne ressemble pas à chien. Il hésite un instant, puis
il épaule son fusil, la balle part, déchirant l'air de l'après-midi
et il se précipite. La place est vide, nul cadavre, nulle trace de
pattes. Perplexe, l'homme rentre chez lui à pas lents.
Les jours passent et l'homme oublie l'incident. Il joue à la balle
avec ses fils lorsqu'un oiseau perché en haut d'un arbre l'intrigue,
il s'approche et l'oiseau inconnu ne bouge pas. Avec précaution, le
riche fermier épaule son fusil avant de se précipiter au pied de
l'arbre.
-
Vide, l'oiseau s'est envolé!
Il
hausse les épaules et il rejoint ses enfants.
-
J'ai vu une fille de mon âge en train de se balancer à la grosse
branche.
-
Quelle fille, Betsy? s'étonne le fermier en fronçant les sourcils.
-
J'ai essayé de lui parler mais elle ne m'a pas répondu. Elle avait
mon âge et portait une robe verte mais je ne l'ai jamais vue dans
les environs.
-
Où est-elle maintenant?
-
Elle a disparu quand je me suis approchée, je ne sais pas où elle
est maintenant.
-
Comme le chien que j'ai vu.
Le
fermier se tourne vers l'esclave qui vient d'entrer et il demande des
précisions.
-
Un chien noir que j'ai vu plusieurs fois, venu de nulle part. Il
grognait et lorsque j'ai pris un bâton pou rle chasser, il a
disparu, comme s'il s'était évanoui par magie.
-
La magie n'existe pas, retourne au travail.
-
Bien monsieur.
-Je
ne crois pas à toutes ces histoires! songe l'homme assis sous la
véranda sa pipe à la bouche à la nuit tombée. Quelle journée
étrange, vraiment. Enfin, tout ceci est terminé. Il est temps
d'aller dormir. songe le tennesséen en se levant pour aller dormir.
Cette
nuit-là, il rêve qu'un oiseau disparaît sans cesse à l'approche
de son fusil et il se réveille à l'aube, en sueur avant de se
rendormir paisiblement.
-
On a frappé à la porte! Betty, allez ouvrir! dit le maître de
maison en prenant son café.
-
Il n'y a personne, monsieur. Une farce d'un gamin quelconque,
j'imagine.
En
fin d'après-midi, une fenêtre claque à l'étage et la petite Betsy
se précipite pour la fermer tandis que la porte de la pièce claque.
Halentante, elle regarde autour d'elle sans rien remarquer et elle
rejoint le rez-de-chaussée. De nouveau, on frappe à la porte et
l'enfant se précipite pour ouvrir, trop heureuse de se retrouver
face à un être humain quelconque mais de nouveau, le perron est
vide.
-
J'ai rêvé, voilà tout.
Durant
la nuit, la maisonnée se réveille au son de griffes qui raclent le
plancher du grenier. Le maître de maison et deux esclaves se rendent
au dernier étage de la maison sans rien trouver, ni marques, ni
trace de rats ou d'un chien égaré. Alors qu'ils redescendent, une
fenêtre claque à l'étage et ils se rendent dans la salle de bain
mais la fenêtre est fermée.
-
Allons dormir, nous avons rêvé et nous ne pouvons rien faire de
toutes manières. Pas avant demain. dit John, las.
Le lendemain matin alors que la famille prend le petit-déjeuner,
une porte claque à l'étage mais personne ne se lève. En effet, au
dehors, les grognements de deux chiens qui se battent les attirent
dans la cour mais elle se révèle vide.
-
Terminons de manger, le travail nous attend. décrète le maître de
maison d'une voix ferme. Ces manifestations cesseront d'elles-mêmes
si nous les ignorons.
Pour
lui répondre, la fenêtre se met à battre fortement mais sans se
laisser démonter, il la referme avant de se rasseoir devant son
petit-déjeuner suivi par sa famille.
-
J'ai du travail. dit-il en se dirigeant vers les champs, soulagé
d'échapper aux manifestations et de pouvoir réfléchir à son aise
mais inquiet de laisser sa famille dans la maison. Lorsqu'il rentre
le soir venu, il s'enquiert de la situation.
-
Mon maître, les bruits n'ont pas cessé de la journée, pire il y a
eu des gargouillis dans les tuyaux. J'ai eu la peur de ma vie mais
j'ai fait mon possible pour n'en rien montrer. dit la vieille esclave
en espérant qu'il aura une réponse.
-
Ignorons ces bruits et bientôt, plus rien n'y paraitra. L'auteur de
cette farce finira par se lasser.
-
Je l'espère.
A
minuit, un bruit de chaînes parcourt la maison entière et la
maisonnée se réunit dans le salon, incapable de dormir. Ce n'est
qu'à l'aube que monsieur Bell décrète qu'il est temps d'aller
dormir tandis qu'au dehors, deux chiens se battent en hurlant.
Après une nuit paisible, la famille se réunit autour de la table
du petit-déjeuner.
-
Nous devons garder le secret sur tout ceci, on pourrait nous accuser
de sorcellerie et nous condamner au bûcher. Avec le temps et de la
patience, les choses s'apaiseront d'elle-même. décrète le père de
famille d'un ton qu'il veut assuré.
Les
enfants acquiescent et mangent en silence avant de se rendre à
l'école où ils ne soufflent mot de l'histoire. Restée seule dans
la maison, Betty ne cesse de regarder autour d'elle mais en voyant
que tout est calme, elle se met à la lessive en chantonnant comme
elle a l'habitude de le faire. Elle a les mains plongées dans le
savon lorsqu'un grattement la fait lever la tête. Bientôt le bruit
reprend et elle identifie de nouveau, le bruit de griffes raclant le
sol. Elle sent son visage blêmir et elle décide d'affronter le
fantôme. Avec courage, elle se rend dans la pièce au-dessus de sa
tête mais son inspection ne révèle rien.
-
Qui est-là? J'ai entendu du bruit. dit-elle d'une voix aussi assurée
que possible mais seul le silence lui répond.
Elle
inspecte la pièce dans l'espoir de trouver un rat mais tout est vide
et elle redescend précipitamment finir sa lessive.
Elle
sursaute alors qu'elle se penche pour prendre la bassine pleine de
linge humide au son d'une porte qui claque mais la porte de la
buanderie est grande ouverte. Elle sort dans le jardin pour étendre
le linge avec la sensation d'être observée mais elle tient bon et
fait mine de ne rien remarquer dans l'espoir que de nouvelles
manifestations n'apparaissent pas. Alors qu'elle rentre dans la
maison, elle entend un bruit de quelqu'un qui s'étouffe et elle se
précipite dans la salle à manger qui est vide.
Terrifiée,
la jeune femme hésite et elle sort dans le jardin pour reprendre ses
esprits.
-
Je dois rester forte pour le maître et sa famille. A quoi bon me
plaindre? Nous sommes tous dans les mêmes tourments.
Avec
résignation, elle reprend sa lessive qu'elle achève rapidement
avant de mettre le linge à sécher, soulagée d'être à
l'extérieur.
Le
soir venu, la famille est réunie et évoque sa journée. Soudain, le
bruit de pierres qui tombent sur le plancher les fait sursauter mais
le regard impérieux du chef de famille les fait baisser le nez dans
leur assiette et continuer à manger comme si de rien n'était.
-
Cette nuit, j'ai entendu des bruits comme si des rats rongeaient les
montants de mon lit. dit la jeune Betsy le lendemain matin mais il
n'y avait rien. Je suis restée roulée en boule dans mon lit toute
la nuit, terrifiée.
-
Hier, j'en entendu quelqu'un s'étouffer alors que je rangeais du
bois dans la soupente. dit le fermier. Nous devons nous efforcer de
vivre normalement comme si de rien n'était.
Une semaine plus tard, le jeune fils hurle dans la nuit précipitant
la famille dans sa chambre. L'enfant en larmes est assis sur son lit
et ses couvertures gisent au sol.
-
Que se passe-t'il? interroge le fermier.
-
Je dormais et mes couvertures ont été arrachées de mon lit.
sanglote l'enfant.
-
Ce n'est rien. dit son père en l'attirant contre sa poitrine où
l'enfant se laisser bercer. Peu à peu, ses larmes se tarissent et
John Bell se sent soulagé.K
-
Ce n'est rien, les choses vont finir par s'apaiser, Dieu nous protège
et ne permettrait jamais que le Diable nous tourmente alors que nous
sommes bon chrétiens.
Les jours suivants, tous les membres du foyer voient leurs
couvertures arrachées et plusieurs se plaignent d'avoir reçu des
claques pour s'être opposé à l'entité. Betsy se rend compte
qu'elle est la plus grande victime de tous, elle se plaint de voir
ses cheveux tirés avec force tandis que les autres se plaignent de
simples tirements de cheveux. A part elle, elle se demande ce qu'elle
a bien pu faire pour mériter ce traitement mais elle n'ose pas poser
la question à voix haute dans la solitude de sa chambre. Le soir
venu, elle prie longuement Dieu dans l'espoir qu'il la protège mais
nul ne lui répond et elle se couche, tremblante entre ses
couvertures sanglotantes attendant que l'entité s'en prenne à elle.
Lorsqu'elle sent ses cheveux tirés par une force invisible, elle
font en larmes, incapable de se défendre face à l'ennemi qui
l'assaille sans raison.
-
Que t'ai-je fait? demande la fillette, sanglotante.
Mais
nul ne lui répond et elle se recroqueville sur elle-même,
inconsolable n'attendant que le matin.
Quelques jours plus tard, la jeune fille croise Richard Powell,
maître d'école qui lui demande de ses nouvelles avec affabilité.
Elle observe l'homme bien consciente qu'il lui fait la cour et elle
lui répond poliment avant de reprendre sa route.
L'homme
se retourne sur son passage en souriant.
-
La fille d'un des plus riches fermiers des environs serait un beau
parti. se dit l'instituteur en reprenant sa route, songeur. Mais je
suis bien plus vieux qu'elle...
Alors
qu'elle arrive en vue de la ferme, la jeune fille se trouve face à
Joshua Garner.
-
Bonjour, monsieur Garner.
-
Bonjour, Betsy. Puis-je venir vous rendre visite à l'occasion?
-
Bien sûr. dit-elle à son voisin qui lui répond en souriant.
Joshua
Garner sourit et il lui promet de venir rendre visite à la famille
de la jeune fille.
Ravie,
la jeune fille rentre en rêvassant à son prétendant.
Quelques jours plus tard, Joshua arrive à la ferme et il fait une
longue promenade avec Betsy qui semble apprécier sa compagnie.
Au
fil des jours, Betsy se rend compte que les visites de monsieur
Garner se soldent par un regain d'activité de ce que l'on appelle
dans les environs la sorcière des Bell.
-
Elle n'aime pas cet homme. songe la jeune fermière en larmes.
Pourtant,
elle relève la tête et elle fait bonne figure à son visiteur qui
vient le voir de plus en plus souvent à son grand plaisir.
Pourtant,
elle doit bien se rendre l'évidence que chaque visite donne lieu à
des représailles. Elle en parle à ses parents mais comme personne
ne sait ce qu'il se passe, elle décide de faire son choix seule et
elle continue à fréquenter son prétendant.
Au fil des jours, les attaques se multiplient et un soir, sa famille
se réunit autour d'elle alors qu'elle raccomode une robe dans le
salon.
-
Tu vas partir, nous nous inquiétons tous pour toi. dit son père.
-
Mais, où vais-je aller?
-
Prépare tes affaire et fais-moi confiance. dit le fermier.
L'adolescente
comprend qu'il ne tient pas à dévoiler à haute voix le lieu de sa
retraite à l'entité et elle obtempère soulagée de quitter les
lieux mais attristée de quitter sa famille. Elle verse une larme
lors de ses au revoir et elle monte dans la carriole, le cœur lourd
en ravalant ses larmes, pleine d'espoir.
Durant
le trajet nul ne dit un mot et Betsy se détend lorsqu'elle reconnaît
la ferme d'amis de ses parents qui ont toujours été bons pour elle.
-
Bonjour Betsy. dit le fermier en l'accueillant.
-
Bonjour, Jim. dit-elle en se forçant à sourire.
Tandis
que la femme de Jim l'installe dans sa nouvelle chambre, elle entend
des bribes de voix et elle devine que son père informe son ami de la
tournure des évènements et de la gravité de la situation. Elle se
force à ne pas écouter et elle descend bientôt les rejoindre pour
mettre fin à la conversation. A son entrée, les deux hommes se
taisent et son père se penche pour l'embrasser.
-
J'espère que nous trouverons une solution et que tu pourras bientôt
rentrer à la maison. dit-il, les yeux embués de larmes.
-
Moi aussi, père. J'espère que la chose ne s'en prendra pas à un
autre membre de notre foyer. Je me sentirai responsable.
-
Tu n'as pas à l'être. la rassure le fermier en mettant la main sur
son épaule. A très bientôt. dit l'homme en remettant son chapeau
et en sortant pour monter dans la carriole qui le ramènera chez lui.
Sur
le chemin du retour, il tente de se convaincre qu'il a fait le bon
choix mais il sent l'angoisse le tenailler.
La
soirée se passe sans encombre et la jeune fille reprend espoir. Elle
se surprend à chantonner alors qu'elle se déshabille et qu'elle se
glisse entre les draps. A minuit, elle se réveille incapable de
respirer, elle se débat et essaie de crier sans succès. Le souffle
court, les joues empourprée, elle parvient enfin à retrouver sa
respiration et elle quitte la chambre en pleurs à la recherche d'un
miroir qui ne révèle aucune marque sur son cou.
-
Je sais pourtant que je n'ai pas rêvé. sanglote-t'elle en
rejoignant sa chambre, bien consciente de n'être à l'abri nulle
part.
Elle
se recouche et elle finit par s'endormir. Le lendemain, elle se tait
dans l'espoir que l'entité se lasse face à son indifférence mais
lorsqu'elle sent des aiguilles se planter dans la peau de ses bras,
ses nerfs la lâchent et elle fond
en larmes, confessant ses tourments. Le lendemain, son père vient la
chercher et elle remonte dans la carriole, une boule d'angoisse lui
nouant le ventre à la pensée de retrouver la ferme familiale. Le
fermier s'inquiète de lui voir un visage rouge et il se décide à
l'interroger.
-
J'ai souvent l'impression d'étouffer, le souffle court. J'ai la
sensation qu'on m'étrangle, parfois je sens que je vais m'évanouir
mais que pouvez-vous pour apaiser mes tourments?
Son
père ne répond rien et la jeune fille se force à lui sourire dans
l'espoir de le rassurer.
En larmes, Betsy supplie qu'on la laisse et elle s'effondre en
larmes dans l'obscurité de sa chambre.
-
Qu'as-tu? lui demande son père au petit-déjeuner.
Il
ne peut ignorer les marques sur la peau de la jeune fille et il la
regarde avec intensité.
-
Je te promets de chercher de l'aide mettre fin à tes tourments.
Sitôt
le petit-déjeuner avalé, le père de famille se rend chez son
voisin.
-
James, je voudrais te parler.
-
Bonjour, monsieur Bell.
-
Bonjour, madame Jonhson.
-
Viens. dit son voisin en l'entraînant dans la cuisine où il lui
sert un café fort avant de se servir lui-même.
Après
un soupir, John se confie. Il détaille l'année qu'il vient de
vivre, les yeux rivés sur le bois de la table dont il suit les
veines avec application pour éviter le regard de son voisin.
-
Il faudrait des preuves de ce que tu avances. Des informations
complémentaires.
-
Venez passer quelques temps à la maison avec ton épouse, vous
verrez par vous-même, je suis désemparé.
Le
couple prépare ses affaires à la hâte et ils suivent leur voisin
jusqu'à sa ferme. Après un repas silencieux, la maisonnée va se
coucher. A minuit, on cogne à la porte des nouveaux venus et
monsieur Johnson ouvre sans trouver le moindre intrus dans le
couloir. Perplexe, il retourne se coucher auprès de sa femme
terrifiée et il attend la suite des évènements. Au dehors, il
entend deux chiens gronder sourdement et il se force à se lever mais
il ne voit rien au-dehors. Il commence à se poser des questions
lorsqu'il entend des griffes racler le plancher de sa chambre. Il
sursaute et terrifié, il se penche sur l'endroit d'où le bruit
provient mais le plancher est intact.
-
Je t'en prie, rentrons chez nous. sanglote sa femme.
-
Non, nous devons les aider et savoir ce qui se passe exactement, je
veux voir et entendre par moi-même ce qui se passe ici.
Au
matin, forcé de se rendre à l'évidence, il décide de prolonger sa
visite. Au bout de quelques jours, il interpelle son voisin et il lui
suggère de former un comité pour enquêter et savoir à qui il a
affaire. Ils en parlent autour d'eux dans le voisinage et l'histoire
fait peu à peu le tour de la région.
-
Bonjour, c'est bien ici la ferme des Bell?
-
Oui. dit le fermier, en fronçant les sourcils. Que puis-je pour
vous?
-
Je suis exorciste et j'ai entendu parler de votre histoire. Si vous
permettez que je...
Avec
un soupir, l'homme acquiesce, lassé et il regarde l'énergumène
vêtu comme un cow-boy inspecter la ferme et interroger les
habitants. Il observe le vieil homme imposer ses mains sur les murs
et lorsqu'il lui dit ne rien pouvoir faire, il se sent presque
soulagé. Mais bien conscient que ce n'est que le premier d'une
longue série, il hésite sur la marche à suivre, il regarde Betsy
qui a pâli sous les mauvais traitements et il décide de laisser
leur chance aux démarcheurs dans l'espoir d'avoir des réponses même
s'il n'y croit guère. Au fil des semaines, le défilé se poursuit
sans résultat et John Bell s'interroge sur le bien-fondé de sa
décision d'autant plus qu'il ne voit aucune amélioration du sort de
sa fille.
-
Au moins, ils ne me demandent pas de les payer. bougonne-t'il en
examinant ses champs.
-
Répondez à ma question, un coup pour oui et deux coups pour non.
Dans
la chambre de Betsy, le medium reste à l'écoute de l'entité qui
répond par des coups sans lui apporter de réelles réponses sur sa
nature et son but. Navré, il rejoint la famille qui attend au salon,
tout en évoquant des résultats encourageants.
Ses
confrères se suivent et bientôt l'entité siffle pour répondre aux
questions des medium sans se faire menaçante, les encourageant à
continuer. Le fermier et la jeune fille écoutent les rapports et ils
décident de continuer leurs démarches dans l'espoir d'avoir une
réponse à leurs interrogations.
-
Mon Dieu! s'écrie le medium en se levant de sa chaise. Je l'ai!
Il
se penche et il tente de décrypter les mots que la voix vient de lui
dire mais il ne parvient pas à reconnaître le message et la nature
de l'entité même s'il juge le résultat encourageant.
-
J'ai réussi à entrer en contact avec l'entité. Elle a parlé, je
n'ai pas compris ce qu'elle a dit mais c'est une avancée. Nous
pouvons espérer savoir ce qu'elle veut à votre fille et la faire
partir de chez vous. Je reviendrai dans quelques jours, si vous
l'acceptez.
-
Je l'accepte. dit le père de la jeune fille qui n'a pas de meilleure
piste.
- Bien, allons-y.
De
nouveau, le medium tente d'entrer en communication avec la voix seul
dans la pièce en essayant de ne pas penser à la famille terrifiée
qui attend dans le salon. Il regarde la chambre de la jeune fille et
il laisse son esprit s'ouvrir à son environnement. De nouveau, il
interroge l'entité dans l'espoir d'avoir une réponse qui l'aide à
porter assistance à la famille. Il interroge de nouveau l'entité
sur son origine et sur son but en vain. Découragé, il songe à
quitter les lieux lorsque la voix se fait entendre, claire et nette
mais saccadée.
-
Je suis un esprit venu de partout, ciel, enfer et terre. Je suis
dans l'air, dans les maisons, en tous lieux, tout le temps, née il y
a des millions d'années. C'est la seule chose que je vous dirai.
Perplexe,
le medium rejoint la famille qui a entendu le discours de l'entité
et Betsy fond en larmes tandis qu'il tente de rester rassurant.
Au fil des jours, le comportement de l'entité changea de nouveau.
Un jour en rentrant de la messe, la famille eut la surprise
d'entendre la voix répéter mot pour mot le sermon qui venait d'être
prononcé par les deux pasteurs qui officiaient dans la paroisse.
-
Mon dieu, quand cela s'arrêtera-t'il? s'interroge le fermier.
Lassée
de son manège, l'entité se mit à dire des obscénités qui
horrifient les prudes fermiers. Elle ne manquait pas de leur
chuchoter à l'oreille ses paroles à n'importe quel moment de la
journée. Avec soulagement, Betsy remarque que leur agresseur
s'attaque à leur famille dans son ensemble mais bientôt, l'entité
s'acharne sur sa mère, Lucy, accroissant son sentiment de
culpabilité. L'entité chuchotait à son oreille à toute heure de
la journée sans jamais lui faire de mal directement à son grand
soulagement. Bientôt, l'entité s'attaqua à John Bell qui craignait
que toute la famille soit concernée au fil du temps, culpabilisant
de ne pouvoir les aider.
Un
soir que des voisins s'étaient réunis dans la cuisine de la ferme
pour partager une bouteille de bière, la voix de la sorcière se
fait entendre "Je suis déterminée à hanter et faire souffrir
le vieux Jack tout au long de sa vie".
John
Bell reconnaît là son surnom et il frissonne même s'il espère que
l'entité cessera de tourmenter les autres membres de sa famille pour
s'acharner sur lui. Horrifiés, les voisins ne disent rien, se
bornant à regarder le fermier avec compassion.
-
La sorcière des Bell a encore frappé. dit l'un d'eux avec
résignation en quittant la ferme, triste d'abandonner la famille
dans ses tourments mais bien conscient de son impuissance.
-
Je ne remarque rien d'étrange. dit le médecin de la famille,
perplexe. Et si Betsy était ventriloque? Même sans s'en rendre
compte, dans un état second, durant une absence? Je repasserai dans
quelques jours.
Les
visites s'enchaînent mais le médecin s'avoue impuissant jusqu'au
jour où la voix se met à parler et qu'il place précipitamment la
main sur la bouche de la jeune fille.
-
Au moins, nous savons que Betsy n'est pas ventriloque... dit l'homme
en se grattant la tête, perplexe. Je ne trouve aucune explication
rationnelle pour le moment.
Un matin, le fermier se réveille avec la sensation d'étouffer. Sa
bouche le fait souffrir et le miroir lui renvoit l'image d'une langue
gonflée qu'il tâte pour déterminer la cause d'un tel changement.
Son reflet déformé lui fait craindre le pire et il décide de ne
pas appeler le médecin dans un premier temps.
-
On dirait que je me suis fait piquer par une guêpe mais il n'en est
rien. se dit-il en descendant jusqu'à la cuisine pour prendre son
petit-déjeuner.
L'horreur
se lit sur les visages lorsqu'il prend place autour de la table et il
sourit faiblement.
-
Je ne sais pas ce qui se passe, je ne crois pas être malade,
l'entité... dit-il avec difficulté avant de servir en lait et en
pain beurré, se forçant a avaler la nourriture malgré ses
difficultés.
Alors
qu'il se met au travail, une voix l'assaille de grossiéretés qu'il
feint d'ignorer. Tout au long de la journée, il se contient mais une
fois couché dans son lit, les larmes l'assaillent dans la chambre
silencieuse.
Au
matin, toute trace de l'enflure a disparu même s'il continue à être
la proie des injures de la créature et qu'il continue son travail
comme à l'accoutumée. Pourtant après une nuit agitée, il se rend
à l'évidence après quelques jours d'apaisement, l'enflure marque
de nouveau son visage et il s'examine avec horreur. Au fil des jours,
la situation se dégrade et il se voit contraint de cesser son
travail et de rester dans la maison incapable de soutenir la moindre
activité.
Le fermier entre dans la
porcherie et il souflle.
- Je reste épuisé par la
dernière crise. se dit-il en se tournant vers son fils cadet qui lui
sourit. Nous allons faire un sort à la truie, nous aurons de la
viande pour cet hiver.
John s'arrête, les yeux
baissés et il secoue la tête.
- Ce n'est rien, j'ai perdu ma
chaussure. songe-t'il avec soulagement en se baissant pour le
renouer.
Il reprend sa route lorsque
l'autre chaussure reste dans la poussière de la cour. Les sourcils
froncés, il revient en arrière et il refait son lacet avec
application pour s'assurer que la chaussure ne le quittera pas de
nouveau. Il reprend sa route, rejoint par son fils mais de nouveau,
il perd un soulier.
- Je ne comprend pas, cette
paire de chaussure est étroite, je peine à les mettre! dit-il en
renouant de nouveau ses lacets.
Sans un mot sur l'incident,
feignant de l'ignorer les deux hommes s'occupent des cochons en
silence. Leur tâche accomplie, ils retournent vers la ferme mais de
nouveau, John perd son soulier à plusieurs reprises, renouant les
lacets avec application à chaque fois.
En vue de la ferme, père et
fils se regardent, soulagés de retrouver leur abri précaire.
- Ah!
Le fils se précipite vers son
père qui se tient le visage, plié en deux.
- Il étouffe. se dit-il en
l'aidant à s'asseoir sur un rondin, le souffle court.
- J'ai été frappé. dit le
fermier en grimaçant.
- Nous allons rentrer et tout
se passera bien. tente de le rassurer le jeune garçon tandis que le
visage de son père commence à se contracter pour se convulser
bientôt suivi de son corps tout entier.
- Richard, je...
- Père. dit-il ne sachant que
faire, se contentant de tenir la main de son père.
En son for
intérieur, il craint qu'il ne meurt mais il se retient de prononcer
ses craintes à voix haute, attendant avec angoisse la fin de la
crise. Des chants se font entendre sans qu'ils puissent en distinguer
les paroles mais le ton empli de moqueries ne fait aucun doute et il
se bouche les oreilles alors que le volume du chant ne cesse
d'augmenter. Un éclat de rire signe la fin des chants et le jeune
homme soupire de soulagement. Il reporte ses regards sur son père
dont le visage continue à se convulser et il se retient d'essuyer
les larmes qui inondent ses joues.
En pleurs, le fermier s'adresse à son fils.
-
Mon fils, je ne tarderait pas à quitter ce monde. Je ne pourrais
survivre bien longtemps aux persécutions que cette chose horrible
m'inflige. Elle m'assassine à petit feu, je sais que la mort
approche.
Le
jeune garçon sanglote et il aide son père à se relever pour le
ramener dans la ferme. La famille note leur mine triste mais personne
ne pose de questions et le jeune garçon aide son père à rejoindre
sa chambre et à se coucher. Au fil des jours, le fermier sent ses
forces le quitter, incapable de quitter son lit. Les semaines
passent, n'apportant pas d'amélioration et la famille se désole.
-
Mon dieu!
La
famille se précipite dans la chambre du malade au cri de la mère de
famille et ils trouvent leur père secoué par les convulsions et
inconscient tressautant sur son lit sans qu'ils puissent faire quoi
que ce soit.
En
désespoire de cause, l'un des fils s'attarde sur la table pleine de
flacons de verre contenant des médicaments à la recherche d'un
remède, pris d'un sentiment d'urgence.
-
Qu'est-ce que? dit-il en élevant vers la lumière un flacon qui lui
est inconnu.
La
famille secoue la tête, personne n'a jamais vu ce flacon ni ne sait
ce qu'il contient. Le médecin ne tarde pas à arriver et il se
penche sur le malade avec inquiétude.
-
C'est une perte de temps que de tenter d'aider le vieux Jack. J'ai eu
sa peau, cette fois-ci. dit la voix grinçante où le triomphe
pointe.
-
Et le flacon, que contient-il? demande le fils qui tient toujours la
bouteille à la main.
-
Une potion que j'ai concoctée et que j'ai fait ingurgiter au vieux
Jack cette nuit pour qu'il ait enfin son compte.
La
voix se tait et tous frissonnent. La mère de famille s'empart du
flacon et elle en donne une goutte à un des chats de la ferme qui se
prélasse dans la cour. Sous les yeux horrifiés de tous, il saute en
l'air en miaulant de désespoir avant de faire plusieurs tours en
apesanteur puis retombe brutalement sur le sol, mort.
-
Mon Dieu! Jon a bu ce breuvage par malice, il est condamné.
comprend-elle en pleurs avant de revenir au chevet de son mari qui
continue à se convulser toute la nuit pour mourir au matin.
Le jour des funérailles, des cris de triomphe emplissent l'église
et tous les amis et la famille sursautent tandis que des rires
s'élèvent. La voix chante, triomphante et la cérémonie se déroule
malgré tout.
Après l'enterrement, la vie reprend son cours et Betsy retrouve
Joshua Gardner chaque jour.
-
Acceptez-vous de m'épouser cette fois-ci? A la fin de votre période
de deuil.
La
jeune fille de seize ans hésite et elle regarde son soupirant qui
attend sa réponse avec anxiété.
-
J'accepte, il faudra que vous en parliez avec ma mère maintenant que
mon père n'est plus.
Alors
que les préparatifs battent leur plein, Betsy entrevoit un avenir
radieux et elle attend chaque jour les visites de son fiancé.
-
Par pitié, Betsy, n'épouse pas Joshua Gardner.
La
jeune fille se lève d'un bond, se piquant le doigt avec l'aiguille
avec laquelle elle raccomodait un chemisier et elle regarde autour
d'elle.
-
Elle est revenu. songe-t'elle tandis qu'un gémissement s'échappe de
sa gorge.
Puis
elle se reprend et d'un air de défi, elle se remet à son ouvrage
feignant de n'avoir rien entendu et se forçant même à chantonner
tant par bravade que pour dompter sa peur.
Désormais
à toute heure de la journée, la jeune fille était poursuivie par
la voix suppliante de la sorcière et malgré son amour pour son
fiancé et sa détermination, elle céda. Un après-midi que son
prétendant était venu lui rendre visite, elle le prit à part pour
lui parler seul à seule.
-
Joshua, je vous aime mais je ne peux pas vous épouser. Je romps nos
fiançailles et j'annule notre mariage. La sorcière qui a tourmenté
mon père jusqu'à le conduire à la mort et qui m'a tourmentée
également est revenue me parler. Elle me supplie de ne pas vous
épouser. J'ai peur de subir le même sort que mon père et de vous
plonger ainsi que ma famille dans l'affliction. Je vous aime mais je
ne peux pas vous épouser. J'espère que vous me comprendrez et que
vous me pardonnez. dit-elle les yeux emplis de larmes.
-
Vous me brisez le cœur, Betsy mais j'accepte votre décision. Je
vous souhaite de trouver le bonheur. dit-il d'une voix brisée avant
de se détourner pour rentrer chez lui le cœur lourd.
-
Je reviendrai dans sept ans. lance la voix avant de s'évanouir.
Soulagée de ne plus avoir de visites de la sorcière des Bell,
Betsy que le maître d'école a commencé à courtiser accepte sa
demande en mariage et elle espère de tout son cœur ne pas voir la
sorcière surgir le jour de la cérémonie mais à son grand
soulagement, tout se déroule à merveille et elle espère un avenir
radieux
Sept ans après les évènements, Lucy Bell et deux de ses fils qui
habitaient encore dans la maison craignaient le retour de la sorcière
comme elle l'avait promis. Le cœur battant, la femme sursaute
lorsqu'elle entend des bruits mais à son grand soulagement, rien
d'autre ne se passe et elle attend qu'ils cessent.
-
John Bell Junior. chuchote la voix dans le noir.
L'héritier
des Bell s'éveille, le cœur battant et il se force à répondre.
-
Oui?
-
Je dois te parler du passé, du futur, de ton père. J'avais mes
raisons de le tourmenter mais je puis te dire de quoi il retourne.
L'homme
hésite à défendre son père mais il décide de se taire par
crainte des représailles, il attend donc la suite de la
conversation.
-
Je reviendrai dans cent sept ans. dit la voix avant de s'évanouir.
-
Mais en mille neuf cent trente-cinq, je ne serai plus de ce monde.
songe le jeune garçon qui craint qu'elle ne tourmente ses héritiers.
Quinze
ans après l'épisode de la sorcière des Bell qui emporta son père,
le bonheur de Betsy se brisa après la mort de son époux.
042020