Cher
journal,
Aujourd'hui est un grand jour. Il est temps pour moi de me remettre
au travail. Après deux mois de vacances forcée pour me faire
oublier des services de police, le moment est venu de reprendre du
service. Je compte m'enfoncer dans les ruelles sombres de la capitale
pour y dénicher quelque proie à faire passer de vie à trépas.
J'ai soigneusement nettoyé mes outils de travail pour entreprendre
ma tâche. Je me délecte à l'avance de sentir la vie s'écouler
hors du corps de ma victime, ses yeux suppliants qui tentent de
m'amadouer, écouter religieusement ses dernières paroles et la voir
sombrer dans un éternel sommeil avant de me fondre dans la nuit.
La
dernière... La dernière. Une jolie rousse d'une vingtaine d'années.
Je l'ai suivie alors qu'elle sortait de l'université. Petite, un peu
ronde mais tout en douceur. Jupe courte, un peu trop. Veste bon
marché, parfum bon marché, sac à franges en faux cuir élimé,
escarpins au faux cuir craquelé par endroits. Une étudiante pauvre
qui tente de donner le change. Elle n'a pas fait attention à moi,
elle marchait dans la rue presque déserte hormis quelques voitures
qui passent. Elle a pianoté sur son téléphone portable durant
quelques minutes. Penchée sur l'écran, ses longs cheveux vaporeux
masquaient son visage. Et me masquaient. Elle ne m'a pas vue mais
moi, je l'ai vue.
Nous
avons marché durant de longues minutes, elle a longé le canal, je
marchais quelques mètres derrière elle de l'air indifférent du
flâneur qui suit la personne devant lui sans s'en rendre compte. De
temps en temps, je m'arrêtais, les mains dans les poches pour
nourrir les canards. Sans perdre de vue ma proie, bien évidemment.
Le jour
a commencé à décliner et j'ai souri, il me serait plus facile de
passer inaperçu. J'ai craint qu'elle ne grimpe dans une voiture mais
elle a pris le bus et j'ai su que j'avais ferré ma proie. Je suis
monté après elle et je me suis assis deux sièges derrière ma
victime. J'ai mis mon baladeur sur mes oreilles et je lui ai jeté
des coups d'oeils à chaque arrêt, je n'allais pas laisser ma proie
m'échapper. Je suis descendu au dixième arrêt, le jour déclinait,
c'était parfait. Je l'ai suivie de loin puis je me suis rapproché.
Une ruelle sombre sur le côté, je l'y ai poussée avec violence.
Comme prévu, elle a vacillé sur ses hauts talons et n'a pas songé
à crier dans sa surprise. J'ai sorti un lacet de ma poche et je l'ai
passé autour de son cou avant de serrer très fort. Elle ne s'y
attendait pas et elle a tenté de crier, instinct de survie qui a
vidé l'air contenu dans ses poumons. J'ai resserré le lacet de cuir
autour de mes doigts et je l'ai sentie s'endormir entre mes bras.
- Dors
d'un sommeil éternel. lui ai-je murmuré à l'oreille avant de
serrer le nœud avec fermeté la condamnant à coup sûr.
Restait à
faire disparaître le corps. Le fleuve n'était pas loin, je l'ai
cachée sous un buisson touffu et j'ai attendu après m'être assuré
que personne ne la trouverait. A nuit close, je suis revenu, j'ai
tiré son corps jusqu'au fleuve, le quartier est mal éclairé, je le
savais. Le courant est fort, il emportera le corps vers la mer. Elle
est méconnaissable, j'ai coupé ses doigts pour éviter qu'on ne
prenne ses empreintes digitales, cassé ses dents pour que ses
empreintes dentaires ne servent pas à l'identifier, j'ai découpé
ses vêtements et tout jeté dans le fleuve.