mardi 21 juillet 2020

Journal d'un assassin

Cher journal,

Aujourd'hui est un grand jour. Il est temps pour moi de me remettre au travail. Après deux mois de vacances forcée pour me faire oublier des services de police, le moment est venu de reprendre du service. Je compte m'enfoncer dans les ruelles sombres de la capitale pour y dénicher quelque proie à faire passer de vie à trépas. J'ai soigneusement nettoyé mes outils de travail pour entreprendre ma tâche. Je me délecte à l'avance de sentir la vie s'écouler hors du corps de ma victime, ses yeux suppliants qui tentent de m'amadouer, écouter religieusement ses dernières paroles et la voir sombrer dans un éternel sommeil avant de me fondre dans la nuit.

La dernière... La dernière. Une jolie rousse d'une vingtaine d'années. Je l'ai suivie alors qu'elle sortait de l'université. Petite, un peu ronde mais tout en douceur. Jupe courte, un peu trop. Veste bon marché, parfum bon marché, sac à franges en faux cuir élimé, escarpins au faux cuir craquelé par endroits. Une étudiante pauvre qui tente de donner le change. Elle n'a pas fait attention à moi, elle marchait dans la rue presque déserte hormis quelques voitures qui passent. Elle a pianoté sur son téléphone portable durant quelques minutes. Penchée sur l'écran, ses longs cheveux vaporeux masquaient son visage. Et me masquaient. Elle ne m'a pas vue mais moi, je l'ai vue.

Nous avons marché durant de longues minutes, elle a longé le canal, je marchais quelques mètres derrière elle de l'air indifférent du flâneur qui suit la personne devant lui sans s'en rendre compte. De temps en temps, je m'arrêtais, les mains dans les poches pour nourrir les canards. Sans perdre de vue ma proie, bien évidemment.

Le jour a commencé à décliner et j'ai souri, il me serait plus facile de passer inaperçu. J'ai craint qu'elle ne grimpe dans une voiture mais elle a pris le bus et j'ai su que j'avais ferré ma proie. Je suis monté après elle et je me suis assis deux sièges derrière ma victime. J'ai mis mon baladeur sur mes oreilles et je lui ai jeté des coups d'oeils à chaque arrêt, je n'allais pas laisser ma proie m'échapper. Je suis descendu au dixième arrêt, le jour déclinait, c'était parfait. Je l'ai suivie de loin puis je me suis rapproché. Une ruelle sombre sur le côté, je l'y ai poussée avec violence. Comme prévu, elle a vacillé sur ses hauts talons et n'a pas songé à crier dans sa surprise. J'ai sorti un lacet de ma poche et je l'ai passé autour de son cou avant de serrer très fort. Elle ne s'y attendait pas et elle a tenté de crier, instinct de survie qui a vidé l'air contenu dans ses poumons. J'ai resserré le lacet de cuir autour de mes doigts et je l'ai sentie s'endormir entre mes bras.
- Dors d'un sommeil éternel. lui ai-je murmuré à l'oreille avant de serrer le nœud avec fermeté la condamnant à coup sûr.
Restait à faire disparaître le corps. Le fleuve n'était pas loin, je l'ai cachée sous un buisson touffu et j'ai attendu après m'être assuré que personne ne la trouverait. A nuit close, je suis revenu, j'ai tiré son corps jusqu'au fleuve, le quartier est mal éclairé, je le savais. Le courant est fort, il emportera le corps vers la mer. Elle est méconnaissable, j'ai coupé ses doigts pour éviter qu'on ne prenne ses empreintes digitales, cassé ses dents pour que ses empreintes dentaires ne servent pas à l'identifier, j'ai découpé ses vêtements et tout jeté dans le fleuve.