vendredi 25 mai 2018

Aokigahara

   Perdu dans mes pensées, je marche droit devant moi. Je ne sais pas depuis combien de temps, je me trouve dans cette forêt hors du monde ; des heures, je suppose. Je marche sans penser à rien, je cherche le bon endroit. La nuit tombe et je dois cesser de marcher. Soudain, j'ai peur des spectres qui pourraient rôder autour de moi, j'entends des bruits que je ne reconnais pas et je frissonne autant de froid que de peur. Je songe que je voudrais que le matin vienne enfin mais je sais que je dois attendre plusieurs heures. J'écoute les bruits alentour, j'entends les animaux qui marchent mais aucun bruit humain.
  Assis contre un arbre, je réfléchis à la meilleure solution. Je décide de rester sur place et d'attendre le lever du jour pour rebrousser chemin. Je m'assoupis et transi de froid, je me roule en boule au pied d'un arbre parmi les feuilles mortes pour tenter de me réchauffer. La brume se lève et j'entends les feuilles craquer derrière moi. Inquiet à l'idée de me retrouver face à un animal inconnu, je me retourne. Un spectre marche juste derrière moi, sa silhouette transparente luit sous la lune et je peux nettement voir la corde passée autour de son cou. Il ne me remarque pas et je retiens un gémissement de terreur de crainte de me faire remarquer.
  Une fois le fantôme évaporé, je suis incapable de rester où je suis et pris d'une peur panique, je cours sans réfléchir, je manque de justesse des arbres qui surgissent devant moi au dernier moment sous la faible clarté lunaire. Bientôt, la fatigue ralentit mes jambes et je marche sans savoir où je vais. Je suppose que cette forêt a une fin et que je vais finir par la trouver. Soudain, je me trouve face à un pendu qui me regarde, les orbites vides. J'avais oublié les morts qui hantent ces bois. Prudemment, je contourne en un large cercle le cadavre qui semble me suivre des yeux avant de continuer ma route, gémissant de peur.
  Toute la nuit, je marche sans regarder autour de moi, je me sens observé et j'entends des bruits de pas me suivre à plusieurs reprises. Au matin, j'ignore totalement où je suis, je me demande même si je n'ai pas tourné en rond ces dernières heures. Incapable de m'orienter, je décide de nouveau de marcher droit devant moi jusqu'à quitter la forêt, ma réserve d'eau s'épuise mais le stress me coupe l'appétit et je ne souffre pas encore de la faim. Un souffle derrière mon cou me fait me retourner, un spectre me fait face. Terrifiée, je hurle et je cours droit devant moi. Lorsqu'au terme d'une journée de course folle, je quitte enfin la forêt, je suis devenue une furie aux yeux hagards et aux cheveux blancs.