Un souffle de vent fait frissonner la
frêle jeune femme au teint blafard qui marche dans la nuit. Sa
longue robe rouge flotte autour d'elle et elle resserre contre son
corps sa cape d'un bleu profond. Les larmes aux yeux, elle regarde la
lune qui luit et elle hésite. Appuyée contre un muret, elle se perd
un long moment dans la contemplation de la plage en contrebas et elle
hésite à descendre. Après quelques minutes, elle décide de
rejoindre la plage et elle tente de se souvenir de sa vie d'avant sa
mort. Mais les souvenirs la fuient. Les yeux tournés vers la mer,
elle tend la main sur le côté mais aucune main ne prend la sienne.
Les larmes montent à ses yeux et elle songe qu'elle n'a jamais connu
l'amour durant sa vie humaine et que malgré une éternité passée à
errer, l'amour n'a pas croisé son chemin et elle reste désespérément
seule.
Le jour s'apprête à se lever
lorsqu'elle rejoint son caveau et elle s'endort, les larmes aux yeux.
La nuit venue, elle part, un baluchon à la main et elle marche d'un
pas vif. Bien décidée à trouver l'âme sœur qu'elle n'a pas
trouvé durant sa vie, elle marche aussi vite que son corps qui ne
ressent pas la fatigue le lui permet. Lorsque le jour commence à
poindre, elle se rend dans des cimetières et elle s'enferme dans des
caveaux priant qu'aucune famille endeuillée ne vienne troubler son
repos. Dès la nuit tombée, elle repart avec vaillance et courage.
De cimetière en cimetière, elle
erre durant des semaines. Seule, toujours seule, elle désespère.
Une nuit, alors que sonne minuit, une main sur son épaule, la fait
sortir de sa léthargie.
- Nous ne pouvons pas rester là, les
villageois cherchent à nous encercler nous devons partir maintenant.
Ils ont découvert mon existence, ils me traquent.
Le jeune homme court se réfugier dans
la forêt proche après avoir escaladé le mur d'enceinte tandis que
des clameurs se font entendre. Elle n'a pas le temps de réagir
qu'une flèche d'argent lui entre dans le bras et elle pousse un cri
rauque sous l'effet de la douleur. Lorsqu'elle se retourne, elle voit
les villageois qui l'encerclent en vociférant des menaces. Le prêtre
se rapproche avec de l'eau bénite et des gousses d'ail en collier
qui se balancent sur sa poitrine. Elle hésite et elle décide de
renoncer.
Debout, les mains croisées devant
elle, elle attend la mort en songeant qu'elle sauve la vie de son
congénère qui ne sera plus recherché par les villageois. Alors que
la vie s'arrache à son être, elle sourit, soulagée à l'idée de
quitter enfin ce monde qui n'a rien à lui offrir sinon errance et
solitude.