mardi 20 juin 2017

Rencontre le temps d’un déjeuner sur un banc

  La femme s’est assise sur son banc habituel pour déjeuner comme chaque jour. Elle profite du soleil et du chant des oiseaux en mordant dans un sandwich. En ce vendredi, elle songe au week-end solitaire qui l’attend.

  Un homme s’assoit à côté d’elle et se cache derrière son journal. Un coup de vent fait s’envoler une page et elle court après par réflexe.
- Merci, dit-il avec un grand sourire.
- De rien !
- En fait, je ne vous avais pas vue, j’étais absorbé dans ma lecture et je suis de nature distraite.
- Je déjeune toujours sur ce banc, il n’y a jamais personne et les gens passent sans me voir.
- Comme partout.
- Comme toujours.
- Vous travaillez à côté ?
- Oui, à la banque au coin de la rue.
- Mais moi aussi !
- Nous ne sommes jamais croisés, c’est étrange.
- Personne ne fait attention à personne de toutes manières.
- Allons boire quelque chose avant de reprendre le travail, il fait chaud et nous avons le temps d’aller à la buvette juste à côté.

 - Souvent je regarde les gens et je me demande pourquoi, de nos jours, il est si difficile de communiquer alors que jamais il n’y a eu autant de moyens de communication. Mon collègue de bureau par exemple, je sais beaucoup de choses de lui car j’ai pris le temps de l’interroger mais lui n’a jamais pris le temps de me considérer comme un être humain.
- Je regrette le temps où l’on se faisait la bise ou l’on se serrait la main entre collègues. Vous savez, il y a des jours où personne ne me touche ou me sourit.
- Je vous comprends et je regrette aussi cette solitude alors que je suis entourée de tant de gens. Mais j’ai l’espoir que cela change avec un peu de gentillesse et d’écoute, un regard ou une poignée de main peut créer un lien ténu entre deux individus. Mes collègues fuient le regard des autres ; parfois je souris et je me retrouve à sourire bêtement car personne n’y répond. Alors, de dépit, je replonge le nez sur mon clavier. Même lorsque les gens se touchent par inadvertance en prenant le café, ils ont un mouvement de recul.

- Fais-moi un câlin !
- Quoi ? Mais ma pause déjeuner est presque terminée !
- Allez-y !
Les bras grands ouverts, l’homme en costume noir attend. Avec un sourire, la femme en élégant tailleur bleu marine se blottit dedans, elle sent son parfum et écoute le bruit de sa respiration.
- Merci ! Déjeunons ensemble demain. Deux solitudes mises ensemble font deux bons amis.

  En se séparant pour rejoindre leurs bureaux respectifs, l’homme et la femme si disent que ce moment de confiance éphémère était une parenthèse de rêve dans la morne réalité.