Une fée vivait dans un chêne, paisible depuis
la nuit des temps. Un jour qu’elle se promenait au bord de la rivière proche en
chantant, elle entendit un arbre tomber. Horrifiée, elle découvrit son refuge à
terre en passe d’être débité par des hommes. Ils ne virent qu’un éclair roux se
fondre dans la forêt.
Furieuse, la fée commença par chercher un
nouvel abri mais il fut de nouveau abattu peu après. Les hommes faisaient
reculer la forêt en ces temps troublés et la fée se trouvait impuissante face à
eux. Des larmes de dépit dans les yeux, elle ne pouvait que les regarder cachée
dans les branches d’un arbre.
Son cœur saignait et son tourment ne s’apaisait
pas car il semblait que les hommes avaient décidé de raser sa forêt. Les jours
passaient et les arbres tombaient les uns après les autres dans un bruit
assourdissant. Les hommes se réjouissaient de ces terres qui deviendraient
cultivables très bientôt, ils pourraient bâtir des maisons ou labourer des
champs une fois leur dur labeur terminé. Les animaux, les faunes et les fées
fuyaient la forêt aussi vite que si elle était dévorée par les flammes.
La fée des bois refusait de quitter les lieux
qu’elle chérissait plus que tout. Elle refusait de livrer aux hommes son
sanctuaire et elle quitta le bois pour demander conseil à un vieux sage qui
vivait en ermite dans une forêt voisine. Elle quitta sa forêt à la tombée de la
nuit et elle marcha des heures durant sans la moindre halte. Enfin, elle trouva
la clairière où vivait l’ermite et elle lui avoua son tourment. Il était savant
en matière de magie et de sortilèges, ils parlèrent longuement à voix basse de
la solution ultime que la fée envisageait pour sauver son habitat. La fée des
bois repartit alors que la nuit était encore noire ; résignée, elle marcha
au clair de lune, tête basse et les larmes aux yeux. Au matin, elle s’était de
nouveau cachée au plus profond de la forêt.
Elle espéra un miracle, que les hommes
rassasiés délaisseraient les lieux mais il n’en fut rien. Les jours passaient
et la forêt diminuait inexorablement. La fée tremblait et pleurait tout le jour
au son des coups de hache sur les troncs ; la nuit, elle pleurait ses bras
blancs enserrant le tronc d’un arbre centenaire ou une jeune pousse
prometteuse. Elle leur murmurait qu’elle les sauverait par n’importe quel
moyen. Un jour, la fée demeura la seule créature magique de ce qui restait de
la forêt. Les poings serrés, les larmes aux yeux, elle jura solennellement
alors que le soir tombait de la protéger au péril de sa vie. Le cœur dévoré par
la colère, elle accomplit le seul sortilège qui pourrait protéger sa forêt de l’avidité
des hommes. Elle sacrifia les arbres restés debout et les pétrifia. Elle sentit
les arbres gémir de douleur au plus profond de son cœur, puis ce fut le silence.
Au matin, les hommes éberlués découvrirent les pierres et fuirent ce lieu
maudit. La fée erra des mois durant entre les arbres de pierre en leur
murmurant des paroles apaisantes dans l’espoir qu’ils reviennent à la vie. Au
printemps, alors qu’elle avait perdu tout espoir, la fée découvrit de nouvelles
pousses de plantes de toutes sortes. La forêt renaissait, protégée par son
armée de granit. En souvenir de cette forêt, la fée plaça là où les hommes
avaient commencé leur hécatombe, une statue de pierre à son effigie qui
veillait sur la forêt séculaire et avertissait les hommes des conséquences de
la destruction des forêts sacrées.