Autrefois, dans mon village, on croyait à l'existence d'un clan,
nommé le clan des brumes. Ils avaient passé un pacte avec des
sorciers et avaient acquis le pouvoir de se matérialiser dans la
brume. Ils avaient oublié que pour se matérialiser dans la brume,
il faut de la brume et que si le temps n'était pas à la brume, ils
n'avaient pas de corps physique. Le sorcier s'était bien gardé de
le leur dire. Depuis, ils pourchassent sans relâche ses descendants
dont je fais partie.
Je ne sors jamais quand il y a de la brume, je me fie toujours au
temps qu'il fait pour la prévoir. Jusqu'ici, j'avais réussi. Mais
depuis quelques temps, il faut croire que leur colère a augmenté
d'un cran et que ces deux millénaires à tenter d'assouvir leur
vengeance sans succès n'a fait que l'attiser.
La brume du petit matin leur suffit pour se matérialiser, vous savez
cette brume légère qui recouvre tout comme d'un manteau de givre.
Oh, elle est légère, fragile mais j'ai vu plusieurs fois, les
silhouettes de guerriers armés se matérialiser devant moi prêts à
frapper.
Au début, je me ne suis pas posé de question et j'ai seulement
pensé qu'ils avaient gagné en force après ces siècles passés
dans les ténèbres. Mais aujourd'hui, je crois cette longue attente
a rendu cette colère dévorante.
L'autre jour, alors que je prenais un bain, je les ai vu commencer à
se matérialiser dans la vapeur d'eau. J'ai aussitôt ôté la bonde
et fait couler de l'eau froide pour chasser la vapeur d'eau. Je ne
vous mentirais pas, j'ai eu la peur de ma vie en voyant ce couteau
arriver sur moi.
Aujourd'hui, le brouillard est plus épais que jamais, un brouillard
à couper au couteau. Il est presque palpable et s'insinue par la
cheminée dans mon habitation. Je suis monté dans ma chambre tandis
que la brume emplissait ma maison toute entière. Je sais qu'ils
arrivent, aussi je laisse une trace de mon histoire pour que le monde
sache qu'il n'est pas bon de taire à autrui le prix à payer pour
ses actes. Je suis le dernier descendant de ma famille, je vais payer
pour mes ancêtres. La brume commence à s'insinuer sous ma porte. Je
vous dis adieu !