dimanche 11 avril 2021

Humanité

- Et maintenant des nouvelles d'Humanité! Le vaillant robot qui nous a ramené des clichés nets et en couleur de la planète Mars est sur le retour vers notre planète avec des échantillons de grande valeur car venant d'une région inexplorée de la planète rouge. Et pour refermer ce journal, un point sur les vacanciers qui se pressent...

Colline éteint la télévision et après avoir rangé la vaisselle qui attend sur l'égouttoir du coin cuisine de son minuscule studio, elle se glisse dans son lit où elle s'endort.

A quelques kilomètres de là, dans le laboratoire, Victor, jeune scientifique rattaché à l'agence spatiale européenne nettoie soigneusement le robot tout juste rentré de la mission scientifique sur la planète Mars. Avec délicatesse, il passe un jet d'eau sur l'appareil avant de racler le sol pour s'assurer que tout le liquide de nettoyage est évacué dans les égouts via la grille placée au centre de la pièce légèrement en pente.

- J'ai terminé! Enfin! hurle-t'il à la cantonade. Bonne nuit, je rentre chez moi. achève le quadragénaire en faisant un signe de la main à la ronde.

Il écoute à peine les réponses de ses collègues en se défaisant de sa combinaison qu'il met au nettoyage. Puis il rejoint le parking en sifflotant.

Il ne sait pas qu'un grain de sable martien s'est détaché du recoin du véhicule d'exploration où il s'était coincé, que ce minéral a rejoint les égouts puis la mer.

Le grain de sable extraterrestre rencontre l'eau salé et sa structure moléculaire change, se mêlant aux atomes terrestres. Il commence à libérer une toxine qui sort de son sommeil et qui se multiplierdans l'eau de mer. Au gré des courants, elle colonise le monde entier et elle modifie le pH de l'océan qui s'acidifie un peu plus chaque jour; en quelques jours, elle a pris possession de la Terre et de ses océans sans que personne ne le remarque à la surface. Coraux, algues, poissons, plancton meurent en quelques mois. Partout des laboratoires analysent l'eau mais ne sachant quoi chercher, ils ne trouvent pas la toxine qui continue à se répandre sur la planète en pénétrant dans les nappes phréatiques où elle se multiplie de nouveau au contact de l'eau douce cette fois-ci, empoisonnant l'eau, les animaux terrestres et les êtres humains.

Colline se penche pour examiner l'écran de son appareil photographique numérique et elle regarde la mer, interloquée. Elle s'agenouille et elle examine le fond de l'eau et la plage pour se convaincre de ce qu'elle a vu.

- Bonjour, je suis Colline, je photographais sur la plage des Ombellines et tout est mort, je crois. Je ne sais pas qui appeler.
Au bout de la ligne, le policier fait la moue et il lui répond qu'il s'en occupe avant de soupirer.

- Encore un souci avec l'usine, je crois. Jacques, c'est pour toi, cette fois-ci.

Lorsque le policier arrive à la plage, il écarquille les yeux de surprise.

- Que se passe-t'il?

- Je l'ignore, c'est pour cette raison que je vous ai contactés. dit la femme en souriant.

- D'accord, je crois que je vois, je prends ça en charge. Rentrez chez vous, et pas un mot.

La jeune femme salue et elle rentre chez elle, perplexe. Elle passe la soirée à faire des recherches sans rien trouver.

Le lendemain, elle revient sur les lieux et elle remarque une armée de scientifiques en combinaison blanche, masqués et gantés qui effectuent des prélèvements dans l'eau et sur la plage. Elle s'inquiète d'avoir attrappé un agent pathogène mais elle se rassure, les policiers ont certainement son numéro de téléphone suite à son appel.

Au fil des jours, des informations relayent des nouvelles parlant de morts mystérieuses suite à une maladie respiratoire et de germes dans l'eau de mer qui ont été identifiés un peu partout dans l'eau douce comme salée. Un laboratoire isole l'agent pathogène qui est inconnu et qui résiste aux principaux tueurs de germes, condamnant la vie terrester à court terme.

Colline continue de prendre ses photographies qu'elle développe elle-même chaque jour avant de le annoter avec soin.

- Nous allons tous mourir mais je veux laisser mon témoignage. songe-t'elle en refermant le cahier où elle a rangé les photographies. Elle fixe la carte mémoire dont elle a pris soin de transférer les documents via un service en ligne avec de la colle. Elle referme le carnet qu'elle met bien en évidence.

Puis elle approche une fiole de ses lèvres et elle s'allonge sur son lit avant de boire son contenu. Elle s'endort de son dernier sommeil alors que l'agent pathogène continue à étendre sa domination sur la planète, exterminant toute forme de vie. 

 Juillet 2020