jeudi 4 mai 2017

Le manoir d'Oscar

  Oscar Carrosse, comte de X était en proie à des cauchemars depuis qu’il avait emménagé dans la demeure familiale. Le trentenaire mettait cela sur le compte de son imagination, comment une maison pourrait-elle l’affaiblir ?

  Pourtant, il devait se rendre à l’évidence, plus le temps passait, plus il s’affaiblissait. Il somnolait, tombait souvent malade et s’assoupissait à tout moment de la journée. Ses journées n’étaient pas productives et lorsqu’il s’éloignait de sa demeure, il retrouvait force et santé.

  En proie à des cauchemars, il ne parvenait plus à se reposer suffisamment pour faire face à ses obligations. Peu à peu, il s’enferma dans le manoir de ses ancêtres où il demeurait seul, à l’exception de quelques visites qui se firent de plus en plus rare au fil des mois. Dans ses cauchemars, sa vie s’échappait en longs rubans de soie sombre qui s’envolaient vers le néant. Il s’éveillait alors en sueurs, avec  une sensation de faiblesse. Oscar allumait la lumière et ne voyait rien autour de lui. Il se rendormait et s’éveillait  chaque matin plus tard et plus fatigué que la veille.

  Au bout de quelques mois, il entendit la maison de bois blanc commencer à grincer durant la nuit, comme si elle ricanait. Oscar se recroquevillait alors, la tête enfouie sous le drap, lumière allumée. Le cœur battant, il attendait que l’épuisement le plonge dans un sommeil sans rêve.

  Un matin qu’il prenait son café sur la terrasse, plus épuisé que jamais, un sursaut d’instinct de survie le ranima. Il devait fuir à tout prix ce lieu maudit. En robe de chambre et en pyjama, il traversa la pelouse et atteignit la grille qui refusa de s’ouvrir. Avec frénésie, il rentra chercher son trousseau de clé mais la grille resta close. Pris au piège, il partit en faisant mine de hausser les épaules et de se désintéresser du portail en fer forgé. Il venait de songer que l’épicier passerait le lendemain matin, il n’avait qu’à l’attendre pour quitter la demeure avec lui.

  Il passa le reste de la journée dans la maison car un froid humide s’était soudain abattu dans le jardin. Frissonnant, Oscar tenta vainement de se réchauffer en allumant la cheminée. La maison craqua comme dans un grincement de dents lorsqu’il commença à préparer une petite valise en prévision de son départ. Inquiet, il se redressa et écouta durant de longues minutes la maison vide et silencieuse.

  Toute la journée, la maison craqua et grinça, comme un avertissement ou une menace. Oscar n’écouta pas et il sortit dans le jardin où le vent lui apportait des murmures indéchiffrables mais lourds de menaces et une odeur de sang frais. Ecœuré, il rentra dans la maison et passa le reste de la journée devant sa télévision.

  La nuit venue, la dernière, Oscar écouta les bruits nocturnes avant de s’assoupir. Dans son sommeil, il ne sentit pas qu’il s’épuisait au fil des heures, la maison aspirait ses dernières forces. Lorsque l’aube pointa, il ne put qu’ouvrir les yeux pour voir la lumière entrer dans la chambre à travers le fin rideau. Puis il sombra dans son dernier sommeil.