- Si tu t'moques d'la Jenny qu'a les dents vertes, tu verras, un jour, elle s'veng'ra !
Je n'y pris pas garde et rentrais bientôt en France.
Quelques années après, je me mariais et ma fille naquit peu après
mon mariage. Elle était belle comme le jour et je l'aimais plus que
tout au monde. Je vivais alors dans une charmante maison de maître
avec un vieux couple de domestiques pour tenir la maison. Ma fille
grandit, heureuse, insouciante et joyeuse comme seule une enfant peut
l'être.
Un
jour, je partis en voyage d'affaires laissant à ma femme la garde de
la maison. A mon retour, une semaine plus tard, je la trouvais en
deuil. Simon, notre vieux domestique avait trouvé la mort, noyé
dans la rivière qui traversait notre domaine. Intrigué, je me
demandais pourquoi il s'était autant approché de la rivière et
pourquoi il n'avait ni nagé ni appelé à l'aide.
Le
mois suivant sa femme le suivit, mais cette fois-ci, son poing fermé
tenait une touffe verte de ce qui semblait être des cheveux.
Intrigué, j'interrogeais le pasteur au sujet de ces noyades et de
ces poils verts, il passait pour un érudit et connaissait bien le
folklore local. Il ne voyait pas bien en quoi ces noyades étaient
surnaturelles mais la touffe de poils verts lui posait question. Il
me répondit qu'il allait faire des recherches. Deux semaines plus
tard, il sonna chez moi à l'heure du thé que nous partageâmes en
discutant des dernières nouvelles. Il me parla de Jenny aux dents
vertes, Jenny Greenteeth. Mes cheveux se hérissèrent sur ma tête
et je le remerciais. Une fois qu'il fut reparti, je me servis une
nouvelle tasse de café pour trouver le meilleur moyen de sauver ma
famille. Je me résolus à vendre la propriété familiale et à
emmener ma famille dans un lieu sans eau à proximité. Ma femme
accepta de se plier à ma volonté devant ma détermination. Bien
sûr, je ne lui dis pas la raison de ce départ.
Un
jour que j'étais en ville, ma fille, Mary-Helenn jouait seule au
ballon dans le jardin. Le ballon tomba certainement dans le lac car à
mon retour, je le trouvais sur la berge encore humide. Je ne
retrouvais pas ma fille. Ma femme fut anéantie et je résolus de
partir au plus vite. La police fit une enquête mais le corps de ma
fille fut retrouvé quelques heures plus tard, à l'endroit où le
ballon avait été déposé. Je retrouvais un cheveu vert, long et
gluant lorsque je la déshabillais pour l'habiller de ses plus beaux
atours pour la veillée funèbre. Jenny Greenteeth avait encore
frappé !
Je
résolus de la traquer et de la détruire par tous les moyens. Je ne
pouvais en parler à mon épouse, inconsolable, elle ne m'aurait
jamais crue. J'espérais juste qu'elle ne s'approcherait pas du lac
que je clôturait.
Malheureusement, un jour que j'étais allé acheter des armes pour
exterminer la créature, ma femme bien-aimée disparut également.
D'elle, je ne trouvais qu'un bouquet de fleurs du jardin qu'elle
avait certainement voulu déposer dans le lac en hommage à notre
chère fille disparue.
La
douleur et la colère m'aveuglèrent. Si un acheteur s'était
présenté pour me débarrasser du domaine, nous n'en serions pas
là ! Mais dans l'état actuel des choses, je n'avais nulle part
où aller, j'étais condamner à attendre qu'un acheteur se présente.
Je décidais de faire combler le lac et à cet effet, je fis venir
des ouvriers qui commencèrent à le combler le jour même. Dans ma
rage, je continuais à le combler pelletée par pelletée, toute la
nuit, dans l'espoir de faire sortir la créature. A l'aube, alors que
la moitié du petit lac avait été comblé, Jenny aux dents vertes,
Jenny aux dents pointues et à la peau verte, Jenny aux cheveux verts
m'apparut furieuse au clair de lune. J'avais pris mes armes mais mon
pistolet n'eut d'autre effet que de la faire siffler de rage, je
l'avais blessée sans plus. Aveuglé par la fureur, je lui donnais
coup de pelle sur coup de pelle. Elle tenta de m'attaquer mais je ne
lui laissais aucune ouverture. Furieuse, elle finit par fuir à
toutes jambes. Essoufflé et épuisé, je n'eus pas la force de la
suivre.
Je
vis toujours dans cette maison qui regorge de souvenirs, je n'ai pas
pu me résoudre à la vendre, il y a trop de souvenir dans cet
endroit. Je ne revis jamais Jenny aux dents vertes qui a certainement
trouvé refuge dans un autre plan d'eau. Je rêve souvent la nuit que
je la tue à coups de pelle.