Eutheria a cru entendre un bruit et s’éloigne du groupe pour scruter la nuit. Elle vérifie que sa peau de phoque est bien à sa place et repart danser avec ses congénères. Un pêcheur qui rentrait par la plage après avoir vérifié que sa barque était bien amarrée la voit courir à sa cachette ; intrigué, il s’approche et comprend ce qu’elle est. Sans réfléchir, le jeune pêcheur cache la peau entre deux rochers puis il s’éloigne.
Au petit matin, le pêcheur revient
discrètement observer. Il voit les selkies revêtir leurs peaux sauf une qui
cherche désespérément sa peau sans la trouver. Le jeune homme trouve sa farce
bien cruelle et il décide de lui rendre sa peau de phoque, mais il ne la trouve
pas là où il l’avait laissée, un chien l’a peut-être emportée. Triste pour la
créature qui gémit, il décide d’aller lui parler sans lui révéler son secret.
Eplorée,
la selkie voit le pêcheur s’avancer vers elle, elle regarde de nouveau
nerveusement autour d’elle dans l’espoir de retrouver sa peau de phoque qui a
disparu.
- Je peux vous aider ?
- Non, je ne crois pas que vous puissiez
le faire, dit-elle en essuyant une larme.
- Je sais ce que vous cherchez, je vous
ai vus en descendant sur la plage. Je peux toujours chercher avec vous, je
connais ce coin comme ma poche.
- Je ne vous effraie pas ?
- Non.
Ils
ne trouvent rien et le soleil est haut lorsqu’ils abandonnent leurs recherches.
- Vous savez où aller ?
- Non, je ne pensais pas perdre ma peau.
- Venez donc chez moi, ma famille sera
ravie de vous aider, j’en suis certain.
En vérité, il se sentait coupable mais il
n’osait pas avouer la vérité.
Peu à peu, la selkie et le pêcheur voient
naître d’autres sentiments et un mariage scelle leur union. Dix ans plus tard,
alors que l’ancienne selkie se promene sur la plage, en tenant son petit garçon
de cinq ans par la main, une grotte attire son attention. Nostalgique de la mer
qui l’a vue naître, elle reste de longues heures sur la plage mais son époux
qui passe le plus clair de sa journée en mer ne lui en tient pas rigueur. Elle
n’avait jamais remarqué cette grotte dissimulée par des rochers.
Lorsqu’elle
y entre, la femme trouve sa peau de phoque. Dans un premier temps, elle croit
que son époux l’avait dissimulée mais en l’examinant, la selkie se rend compte
que des marques de morsures, de griffures la couvrent, elle a été traînée sur
le sable et les rochers jusque là. Son mari aurait porté dans ses bras, sa peau
de phoque. Un animal était responsable de son état. La peau sous le bras, Eutheria
rentre chez elle, songeuse.
Si son époux avait volé sa peau de phoque, l’instinct
aurait pris le dessus et elle aurait abandonné mari et enfants pour répondre à
l’appel de la mer mais elle ne sait que faire. Elle pourrait cacher la peau de
phoque mais si un de ses enfants la trouvait, elle ne pourrait résister à l’océan.
D’un autre côté, sa famille lui manque, elle n’a jamais osé revenir sur la
plage pour les guetter.
Le soir
même, la selkie parle de sa découverte à son époux. Le pêcheur sait que si sa
femme retrouve sa peau de phoque, elle retournera immédiatement à l’océan, il
ne comprend pas. Elle lui explique alors que s’il la lui avait volée, il en serait ainsi mais elle lui a été
volée par un chien, il n’est pas responsable de la situation. Il la supplie de
ne pas le quitter, il ne veut pas trouver la maison vide un jour et il craint
de voir leurs enfants perdre leur mère.
La selkie aime sincèrement le pêcheur mais
elle aime l’océan bien plus fort. Au fil des heures, la proximité de sa peau de
phoque rend cet appel plus irrésistible que jamais. Malgré tout son amour,
seuls ses enfants la retiennent encore. Elle pourrait demander à son époux de
cacher sa peau mais si un de leurs enfants la découvrait, l’océan l’appellerait
trop fort pour qu’elle y résiste. Et sa famille lui manque. Ils finissent par décider que la selkie
rejoindra sa famille mais qu’au solstice d’été, le pêcheur la guettera et
cachera sa peau dans une cachette connue de lui seul que leurs enfants ne
pourront trouver. Au bout de six mois, il la lui rendra pour qu’elle rejoigne l’océan.
Au solstice d’été suivant, il viendra retrouver son épouse.