L’alarme, j’entends une alarme. Des bruits de
pas, des voix. L’alarme se tait. Le silence. Je flotte, je rêve. J’ai froid, je
suis gelé, mon corps entier me picote, je ne peux pas bouger, mon corps est
engourdi. Que se passe-t’il ? Je ne me souviens de rien. Je suis gelé
jusqu’à la moëlle des os. Je ne suis que douleur.
Je frissonne, je claque des dents, mon corps
est engourdi mais ma volonté commence à reprendre ses droits. Mon cerveau tente
de faire bouger mes muscles mais ils ne répondent pas. Le silence. Je ne me
souviens de rien.
Le temps passe, j’ai mal partout mais je
commence à bouger timidement, j’ai ouvert les yeux. Tout est noir et
silencieux. J’explore mon environnement, tout est lisse, le plafond est bas,
deux murs m’enserrent. Où suis-je ? Qui suis-je ?
Mon cerveau semble engourdi, je ne me
souviens de rien. Le stress est immense mais mon cœur bat lentement. Ce n’est
pas normal. Mes muscles ont du mal à soulever mes côtes, j’ai du mal à respirer
et à bouger. Le froid s’estompe peu à peu et mes doigts engourdis retrouvent
une mobilité suffisante pour entamer une minutieuse exploration. Une surface
totalement lisse court sous mes doigts, on dirait un tube. Il n’y a pas de
sortie. L’air commence à manquer. J’ai envie de hurler et de pleurer mais je
dois économiser l’air.
J’examine les jointures du couvercle, je suis
bien entré quelque part, ce cylindre n’a tout de même pas été construit autour
de moi et le froid s’est rapidement estompé, il y a forcément une issue. Et de
l’air, du moins, j’espère. Un minuscule bouton se trouve au centre du
couvercle, je manque d’air, j’étouffe. J’appuie de toutes mes forces. Je suis
gelé.
Lentement, une faible lumière entre dans le
tube, je suis soulagé mais j’ai peur. Peur d’être déçu. J’avance vers la
lumière, un rail a dû s’actionner. De l’air, enfin, je respire, je pleure de
joie et j’attends les yeux fermés.
Enfin, j’ouvre les yeux. Une faible lumière
agresse mes yeux mais je m’y accoutume peu à peu. Je tente de me redresser mais
mes muscles atrophiés ne me portent pas, je tombe, j’ai mal. Allongé sur le
sol, j’attends. Quoi ? Je l’ignore. Enfin, je tente de me redresser sans
succès, je me traîne jusqu’à une porte. Elle est fermée mais je remarque un
interrupteur. Je m’aide du mur pour me hisser jusqu’à lui et l’actionner. Des
centaines de tubes m’entourent. Dans un coin, je remarque une table, je me traîne
jusqu’à elle. Je n’ai pas de vêtements, j’ai froid et je n’ai rien pour me
couvrir.
Je ne sais pas comment, j’ai réussi à m’asseoir
sur la chaise. J’ai trouvé un cahier où je consigne ces lignes, je n’ai pas
oublié comment écrire. Et lire. Tout est silencieux alors je fouille le bureau.
BUREAU :
Manuel
de cryogénisation
Consignes
de sécurité
Quelques
crayons
Un
cahier vierge
Je note le numéro du caisson que j’examine. J’ai
été cryogénisé. Pourquoi ? Par qui ? J’ai lu dans le manuel qu’au
bout de vingt minutes si le caisson s’est accidentellement ouvert ou si l’ouverture
d’urgence a été actionnée, une alarme sonne. J’évalue mal le temps qui passe
mais j’appuie sur le bouton « C » et le caisson se referme puis se
remet à produire du froid, enfin peut-être. Je suis soulagé, j’ai besoin de
solitude. J’examine les autres caissons, ils n’ont rien de particulier alors je
quitte la pièce après une fouille minutieuse, je ne pourrai pas rentrer car un
badge est nécessaire pour ouvrir la porte de l’extérieur. Je range les manuels,
j’éteins la lumière et je sors.
Dans un vestiaire proche, je trouve des
toilettes, j’en avais bien besoin, ma vessie s’est remise à fonctionner, c’est
douloureux. Je me lave sommairement au lavabo, je me délecte de l’eau chaude
mais j’ai froid, un pull et un pantalon abandonnés là, bien que trop grands
font l’affaire de manière provisoire. Le bâtiment semble désert mais je me méfie.
J’ai faim.
Je trouve le poste de sécurité, le gardien n’est
pas là, il a dû aller faire sa ronde car les caméras sont allumées, il y a
quelqu’un qui veille. Soulagé, je remarque que les caméras ne filment que l’extérieur
du bâtiment. Mais je dois trouver une autre porte de sortie.
« Privé », ce panneau annonce la
salle d’archives, je trouve mon dossier et je prends de notes sur mon cahier.
« Sujet
23 512
Volontaire :
Non Condamné : Oui
Maxime
VUELTO a été condamné en 2 124 à la cryogénisation pour avoir participé à
une manifestation contre le régime.
Sujet
masculin de 16 ans, né le 25 mai 2 108 à Paris, étudiant en lettres
classiques. Pas de famille. Dernière adresse connue : 12 rue du moulin
bleu à Sainte-Marie.
L’opération
s’est bien déroulée. Groupe sanguin : A + Maladies : Néant Signes
particuliers : Néant. Bonne santé générale.
Observations :
Bon état général, ne posera pas de problème de conservation. »
Ma
vie résumée en moins de dix lignes et je n’en sais pas plus. Je fouille la
salle d’archives rapidement, je trouve un dossier sur le bâtiment et les codes
des alarmes ainsi que celui pour déclencher un réveil généralisé. Je retrouve
la salle d’où je viens et j’entre le code pour « réveil rapide avec
ouverture programmée ». Je laisse la lumière allumée ainsi qu’une brève
note sur le bureau qui explique la situation ainsi que le code de sortie et un
plan sommaire à mes compagnons de cryogénisation. Ils se débrouilleront bien
sans moi!
La sortie est devant moi, je tape le code le cœur battant ; et s’ils l’avaient changé. La porte s’ouvre en silence, j’espère qu’il n’y pas de grille. Mais non, nous sommes en pleine campagne, en plein milieu de la nuit. J’ignore où je suis mais j’ai une destination : 12 rue du moulin bleu à Sainte-Marie.