Martin avait retravaillé
une nouvelle fois sa formule, il en était sûr, elle était meilleure que
l’ancienne. Il avait passé des heures penché sur ses livres, pesant les
ingrédients, en ajoutant de nouveaux pour créer un mélange plus puissant que le
précédent, plus efficace et meilleur.
Il distribue son remède à ceux qui ne
trouvent pas le sommeil et l’oubli salutaire des rêves. Satisfait de voir jour
après jour, les yeux de ses protégés de plus en plus vifs, le sourire revenir
sur leurs lèvres et leurs cernes s’estomper peu à peu, il imagine chaque jour
de nouveaux mélanges.
La vieille dame d’allure distinguée
sort de la pharmacie, son sac en papier à la main. Ce soir, elle se fera une
tisane avant d’aller dormir. Martin, l’herboriste la regarde sortir avant de
baisser le rideau, sa journée de travail s’achève enfin. La nuit tombe et
Martin s’endort sans tisane, il rêve.
Il flotte sur un nuage, un sac à la
main, un air de flûte s’élève dans le ciel. Le nuage s’arrête, il se penche et
il rentre dans la maison par la cheminée ou les conduits d’aération, le passage
est trop rapide pour qu’il puisse comprendre comment il est entré. Il avance
dans le couloir et ouvre la porte, la vieille dame de la pharmacie se retourne
dans son sommeil. Martin plonge sa main dans son sac et en ressort une
poussière qu’il souffle vers la vieille dame qui sourit et s’apaise.
Le marchand de sable est passé, Martin
sourit dans son sommeil.