Il
était une fois, près d'une forêt touffue, une femme qui rentrait
souvent tard de la chasse. Une nuit de pleine lune, un loup
l'attaqua. L'énorme loup était en train de dévorer une victime du
froid fraîchement mise en terre, comme c'est l'habitude des
lycanthropes, quand un léger souffle de vent lui apporta une douce
effluve de chair fraîche. Le loup-garou leva les yeux et croisa ceux
de la femme qui vit alors le loup.
Avec
un hurlement, elle se mit à courir mais la neige la retardait,
l'agile loup-garou fut bientôt sur elle. On racontait dans le
village que ces créatures tuaient et dévoraient sans pitié la
première victime qu'ils croisaient. Lorsqu'elle tomba, la femme
saisit un caillou proche, bien décidée à vendre chèrement sa vie.
Le loup-garou lui tomba dessus de toute sa force et de tout son poids
pour tenter de la mordre. Elle lui asséna un coup en pleine tête
avec le caillou, la féroce créature relâcha momentanément sa
pression. La femme retira son pic à cheveu et le lui planta
profondément dans le bas-ventre avant de le repousser de toute la
force de ses jambes et de fuir, les mains crispées sur le pic en fer
forgé. Son pied glissa plusieurs fois dans la neige, elle était
gelée mais l'instinct de survie fut le plus fort, ses pieds volaient
vers le village, vers le salut. Rentrée chez elle, la femme se
barricada et s'inspecta pour vérifier qu'elle n'avait pas été
mordue. Elle passa le reste de la nuit au coin du feu, tremblante,
enroulée dans une couverture.
Son
voisin pleura toute la journée du lendemain, elle l'entendait à
travers les minces murs de torchis. Dans l'après-midi, la jeune
femme se décida à aller lui porter secours. Lorsqu'elle entra dans
la petite maison, il pleurait et se roulait par terre, les muscles
raidis par des contractures musculaires. Il ne cessait de répéter
qu'il avait fait des choses horribles entre deux sanglots et il
maudissait la pleine lune et la lune rousse. Il répétait comme une
litanie "mes vêtements, personne ne doit me voler mes vêtements
ou je serais condamné à rester une bête". Indécise, elle
s'avança vers lui en silence et s'agenouilla près de lui en lui
demandant ce qu'il avait fait. "Je ne peux vous le dire car vous
seriez horrifiée, chère voisine, mais je sais et je n'oublie rien.
Le pire, c'est que je ne peux pas lutter contre ma nature ou me
contrôler.".
Horrifiée,
la jeune femme remarqua alors le bandage autour de son ventre et la
large auréole de sang qui ornait le linge blanc.