Je m'affaiblis, ma force s'écoule hors de mon corps, j'ai soif. Je
passe tout le jour et une partie de la nuit dans mon cercueil; à la
nuit tombante, j'ai de plus en plus de mal à quitter mon caveau. Je
mastique mon linceul pour tromper la faim dévorante qui m'anime, je
n'ai pas suffisamment de chair pour me nourrir de ma propre chair et
trouver un regain de force pour quitter mon tombeau.
A cette époque, la nourriture se fait rare, les animaux ont quitté
les villes vidées de la nature sauvage, je n'ai aucune chance ou
presque d'en trouver dans le cimetière où je vis ou dans les
alentours. L'éclairage public électrique rend hasardeuse la chasse
dans les rues des villes, depuis bientôt un siècle, cette nouvelle
méthode d'éclairage me complique la tâche.
La malédiction dont j'ai été victime sur mon lit de mort me
poursuit depuis trois siècles. Je suis fatigué de cette vie mais
cette nuit, je vais rassembler mes forces pour me lever et rejoindre
les bois proches afin de trouver des bêtes pour me nourrir.
Avec difficulté, je quitte mon abri, la pleine lune éclaire le
cimetière. Je trouve la sortie à tâtons et me glisse au-dehors.
Après avoir erré toute la nuit, je capture un ragondin qui furetait
dans des poubelles. Je ne vois les premiers rayons du soleil poindre
qu'une fois rassasié. La faim m'a rendu imprudent mais je suis
fatigué de cette demie-vie, j'accueille la mort, la vraie comme une
délivrance.