William
était seul depuis des siècles et puis, il rencontra ce garçon de
son âge. Il le suivit quelques temps lors de ses sorties nocturnes
et il décida d'en faire son compagnon de vie. Il l'aborda un soir
alors que le garçon, éméché, sortait d'une boîte de nuit.
-
Viens avec moi, mon garçon, je t'emmène en lieu sûr.
Il
avait soif mais il se retint jusqu'à son antre. Il avait erré toute
la nuit avant de finir par trouver une proie, l'éclairage public des
villes rendait sa tâche plus difficile, elle demandait de la
discrétion. Il était passé devant la boîte de nuit où le garçon
avait ses habitudes, il était seul, personne ne regardait personne,
l'avantage des grandes villes. Alors, il l'avait abordé.
Il
allongea le garçon qui commençait à désaouler légèrement. Dans
la pénombre, il observa le jeune garçon qui devait avoir dix-sept
ans tout au plus. La peau pâle, les cheveux blonds et raides tombant
sur ses épaules, il était mince et frêle. Il n'ouvrit les yeux
que quand il le mordit. Ils étaient bleus comme un ciel d'été.
Durant
des jours, William le veilla. Le garçon délirait dans ses
cauchemars puis tombait dans un sommeil profond, sans rêves, presque
en catalepsie. Un jour, le garçon ouvrit enfin les yeux, il
survivrait, William était soulagé.
L'aube
pointait :
-
Bonjour, je suis William, le vampire qui t'a créé. Je vis seul
depuis des siècles, tu rentrais ivre d'une soirée il y a un mois et
je t'ai mené chez moi. Je suis là, tu n'as rien à craindre.
- Un
mois que ma famille me cherche. Je devais passer mon diplôme et
j'avais prévu de demander ma petite amie en mariage. J'avais la vie
devant moi et tu l'as détruite.
-
J'en suis désolé mais tu t'y feras.
- Tu
as fait de moi un monstre. Je vais prendre l'air, j'ai besoin de
réfléchir.
- Tu
ne peux pas, le soleil se lève vite en cette saison. Il fait jour
désormais. Mais ce soir si tu veux.
-
Laisse-moi, j'ai besoin d'être seul.
Le
jeune garçon se leva et regarda autour de lui sous le regard
perplexe de son créateur.
- Où
sommes-nous ? On dirait un château.
-
C'est le manoir que j'ai acheté au XVII ème siècle via un
intermédiaire. Je, enfin, nous sommes riches, tu verras. Tu ne
manqueras de rien, les journées sont longues mais nous avons de quoi
nous occuper.
- Il
n'y a pas de nous !, répondit le vampire nouveau-né en
arrachant les tentures moisies qui se déchirèrent comme une feuille
de papier. Le soleil estival se déversa dans le salon.