On raconte que dans ce
château, une nuit d'orage, un conteur demanda l'hospitalité. Le
pauvre homme était à la porte, transi de froid, enroulé dans une
mince cape. Il fut introduit au château où un grand dîner était
donné. Le seigneur du lieu était amateur de poésie et d'épopées,
aussi, il reçut avec joie le conteur qui après s'être restauré et
réchauffé leur fit une prestation fort appréciée.
Cette même nuit, un
brigand s'introduisit dans le château par un souterrain qu'il avait
découvert. L'orage et la neige masquaient son intrusion. Il se
promena dans le sous-sol désert à la recherche d'un passage vers
les étages.
Une porte fermée par un
cadenas attira son attention, il ne trouvait aucun moyen de quitter
le sous-sol où il était enfermé et il décida de tenter sa chance
par cette porte. Il ne trouva qu'un chaudron à l'intérieur qu'il
examina à la lueur de sa torche. Il ne vit pas qu'une pointe se
trouvait sur la bordure du chaudron et il s'y piqua la paume.
La goutte de sang
descendit lentement tout au fond du chaudron tandis que le voleur
examinait la pièce à la recherche d'une sortie qu'il ne trouva pas.
Une fois au fond, la goutte de sang libéra le démon emprisonné là
depuis dix ans.
Terrifié, le voleur
s'enfuit à toutes jambes et sauta dans les douves par la première
fenêtre qu'il trouva en atteignant le rez-de-chaussée.
Quand la lune se leva, le
château avait disparu pour un autre monde dominé par le démon
libéré par hasard. Le voleur errait en bégayant à propos d'un
rire sardonique, d'une grande ombre et d'un château disparu dont il
s'était échappé d'un saut dans le vide. Le conteur qui avait
quitté le château à la fin de sa prestation le rencontra en chemin
et compris par bribes ce qui s'était passé. Depuis, il chante cette
histoire dans les banquets, lai qui le rendit célèbre. Il confia le
voleur à un hospice où il le visite chaque fois qu'il passe dans la
ville où il réside. Il avait pitié de ce fou qui ne cesse de
raconter par bribes l'histoire d'un château emporté par un démon
mais il l'avait pris en affection et ne lui avait-il pas apporté
gloire et richesse ?