Brunehilde s'était encore fait accostée ce soir-là en rentrant
chez elle. Pas gentillement accostée par un jeune homme qui tente sa
chance et qui même éconduit se conduit en homme du monde. Non, elle
avait été accostée par un groupe qui malgré son refus l'avait
suivie en tentant la convaincre de choisir l'un d'entre eux.
- Ce quartier a bien changé, se dit la jeune femme de trente ans en
se changeant avant de se coucher après une dure journée de labeur.
Mais chaque soir, c'est la même chose !
Excédée, Brunehilde se glissa dans ses draps et pensa les yeux
ouverts dans le noir : Comment se faire respecter ? Car à
ce stade, il ne s'agissait même plus de tenter d'inculquer du
respect. La force, elle ne voyait que ça. D'abord, la réponse
verbale puis une autre réponse, plus dissuasive.
Le lendemain, jour de congé, elle partit dans les bois et choisit un
fort bâton bien droit et solide qu'elle polit durant une bonne
partie du jour. Le soir, il était fin prêt : solide et
maniable, c'était l'arme parfaite, elle l’appela « mon
épée ».
Dès lors, lorsque que quelqu'un l'apostrophait, elle répondait
gentillement mais fermement qu'elle n'était pas intéressée. Si
l'individu commençait à chercher à la suivre en lui disant
« Mademoiselle, je peux avoir ton numéro ? Pourquoi tu ne
me réponds pas ? Pourquoi tu m'as dit non, tu ne veux pas aller
boire un verre avec un beau gosse comme moi ? Vas-y, espèce de
****, donne moi au moins ton numéro, promis, je te rappelle. » ;
elle sortait le bâton de dessous son manteau et demandait des
explications sur cette impolitesse et ce manque total de respect. Le
garçon partait généralement en prétextant un rendez-vous urgent
et quand il la recroisait, il faisait mine de ne pas la voir.
Brunehilde était satisfaite de cette situation même si elle
déplorait de devoir en arriver là. Un jour, elle fut convoquée au
poste de police : il était interdit de se promener dans
l'espace public avec une arme et elle risquait une condamnation. « Où
étiez-vous quand on a tenté de m'agresser physiquement le mois
dernier ? Qui m'a sauvée ? Vous ? Non, le grand-père
d'un des jeunes qui m'a fait un croche-pied qui l'avait vu et l'a
menacé d'en parler à sa mère. Le jeune a filé dare-dare et son
copain avec ! ». Néanmoins, les policiers, bien que
conscients du danger qui régnait dans ce quartier, lui rappelèrent
que la loi interdisait le port d'armes dans l'espace public.
Brunehilde décida d'apprendre à
se battre avec ses seules armes autorisées : elle-même. Elle
s'inscrit à un cours du soir pour apprendre à se battre et fit
bientôt de rapides progrès. Sa réputation alla grandissante à
partir du jour où elle mit en fuite quatre jeunes qui entouraient
une jeune fille en lui demandant sa carte de crédit.
Mais la jeune femme trouvait
cette solution mauvaise et décida d'ouvrir un cours du soir dédié
à l'auto-défense et également au respect des autres et de la
politesse. Comme elle n'était plus la seule à se promener avec un
bâton sous son manteau pour se défendre, le quartier devint
rapidement plus fréquentable. Les principes élémentaires de son
cours de politesse trouvaient un public de jeunes autrefois
agresseurs qui voulaient apprendre à ne plus être considérés
comme de potentiels agresseurs et qui peu à peu apprirent les bases
de la politesse et comprirent enfin son utilité. Même si ça leur
évitait juste de se faire rosser, mais ne l'avaient-ils pas assez
fait eux-même par le passé ?