mercredi 14 décembre 2016

La femme à l'épée

  Brunehilde s'était encore fait accostée ce soir-là en rentrant chez elle. Pas gentillement accostée par un jeune homme qui tente sa chance et qui même éconduit se conduit en homme du monde. Non, elle avait été accostée par un groupe qui malgré son refus l'avait suivie en tentant la convaincre de choisir l'un d'entre eux.

- Ce quartier a bien changé, se dit la jeune femme de trente ans en se changeant avant de se coucher après une dure journée de labeur. Mais chaque soir, c'est la même chose !
Excédée, Brunehilde se glissa dans ses draps et pensa les yeux ouverts dans le noir : Comment se faire respecter ? Car à ce stade, il ne s'agissait même plus de tenter d'inculquer du respect. La force, elle ne voyait que ça. D'abord, la réponse verbale puis une autre réponse, plus dissuasive.

  Le lendemain, jour de congé, elle partit dans les bois et choisit un fort bâton bien droit et solide qu'elle polit durant une bonne partie du jour. Le soir, il était fin prêt : solide et maniable, c'était l'arme parfaite, elle l’appela « mon épée ».

  Dès lors, lorsque que quelqu'un l'apostrophait, elle répondait gentillement mais fermement qu'elle n'était pas intéressée. Si l'individu commençait à chercher à la suivre en lui disant « Mademoiselle, je peux avoir ton numéro ? Pourquoi tu ne me réponds pas ? Pourquoi tu m'as dit non, tu ne veux pas aller boire un verre avec un beau gosse comme moi ? Vas-y, espèce de ****, donne moi au moins ton numéro, promis, je te rappelle. » ; elle sortait le bâton de dessous son manteau et demandait des explications sur cette impolitesse et ce manque total de respect. Le garçon partait généralement en prétextant un rendez-vous urgent et quand il la recroisait, il faisait mine de ne pas la voir.

  Brunehilde était satisfaite de cette situation même si elle déplorait de devoir en arriver là. Un jour, elle fut convoquée au poste de police : il était interdit de se promener dans l'espace public avec une arme et elle risquait une condamnation. « Où étiez-vous quand on a tenté de m'agresser physiquement le mois dernier ? Qui m'a sauvée ? Vous ? Non, le grand-père d'un des jeunes qui m'a fait un croche-pied qui l'avait vu et l'a menacé d'en parler à sa mère. Le jeune a filé dare-dare et son copain avec ! ». Néanmoins, les policiers, bien que conscients du danger qui régnait dans ce quartier, lui rappelèrent que la loi interdisait le port d'armes dans l'espace public.

  Brunehilde décida d'apprendre à se battre avec ses seules armes autorisées : elle-même. Elle s'inscrit à un cours du soir pour apprendre à se battre et fit bientôt de rapides progrès. Sa réputation alla grandissante à partir du jour où elle mit en fuite quatre jeunes qui entouraient une jeune fille en lui demandant sa carte de crédit.

  Mais la jeune femme trouvait cette solution mauvaise et décida d'ouvrir un cours du soir dédié à l'auto-défense et également au respect des autres et de la politesse. Comme elle n'était plus la seule à se promener avec un bâton sous son manteau pour se défendre, le quartier devint rapidement plus fréquentable. Les principes élémentaires de son cours de politesse trouvaient un public de jeunes autrefois agresseurs qui voulaient apprendre à ne plus être considérés comme de potentiels agresseurs et qui peu à peu apprirent les bases de la politesse et comprirent enfin son utilité. Même si ça leur évitait juste de se faire rosser, mais ne l'avaient-ils pas assez fait eux-même par le passé ?