jeudi 29 décembre 2016

Pagaille en cuisine

  Quand j'étais étudiant, je travaillais dans un restaurant chic le week-end. Je me souviens de tables rondes aux nappes brodées, de fauteuils de bois rembourrés de soie rose et de rideaux de velours vert qui tenaient avec des embrasses de métal couleur or vieilli orné de feuilles et de roses.
Un soir de nouvel an, le restaurant était plein à craquer. A l'époque, je naviguais entre la cuisine et la salle. Normalement, il fait toujours chaud en cuisine avec tous les feux allumés partout et les appareils qui tournent mais je traversais un courant d'air froid qui me fit frissonner malgré la chaleur ambiante. Je pensais que j'étais malade ou qu'il y avait effectivement un courant d'air mais je haussais les épaules mon plateau à la main. Je m'arrêtais au bar, un magnifique bar tout en acajou pour discuter avec le barman durant une ou deux minutes. Derrière lui, une coupe de champagne se brisa sans raison apparente. Il ramassa le cristal en se disant qu'il avait dû la fragiliser en faisant la vaisselle, je le laissais pour retourner à mon travail.

  Les clients arrivaient, je les accueillis comme d'habitude. Le repas, un menu unique commença à être servi dans un joyeux désordre : un saucier tomba, un plateau entier de flûtes de champagne fut renversé inondant le carrelage. Deux rideaux de velours tombèrent sur des clients, ils étaient lourds et immenses, ils eurent toutes les peines du monde à s'en défaire.

  Le repas fut un désastre, les clients étaient furieux mais le clou du spectacle fut l'arrivée d'une nappe flottant dans les airs. On devinait une silhouette humaine, ça ressemblait aux fantômes qu'on voit dans les mauvais films où un enfant tente de faire peur à ses cousins en mimant un fantôme et en criant « ouh ouh ». Sauf que ce n'était pas une blague, il n'y avait personne dessous, pas de pieds qui dépassaient.

  Nous fermâmes précipitamment le restaurant ce soir-là en promettant de rembourser les clients (cette soirée était sur réservation, nous avions les noms et numéros de téléphone des clients). Le lendemain, tout était en place : la cuisine et la salle avaient été rangés, la vaisselle avait été faite, le linge avait été lavé et repassé.