Autrefois, le marquis de Madiva menait campagne contre la Prusse.
L'homme dans la cinquantaine était courageux mais il n'avait qu'un
défaut : il craignait par-dessus tout les punaises. Il ne
savait pas d'où cela lui venait mais il passait son temps à
vérifier que des punaises n'infestaient pas ses meubles et il
faisait passer couche de vernis sur couche de vernis pour protéger
ses meubles.
Une nuit, il se plaça en embuscade avec ses hommes dans un petit
bosquet. Bien mal lui en prit : le bosquet était infesté de
ces insectes qu'il détestait tant. Il passa la nuit à les chasser
en silence en se promettant d'en écraser le plus possible si
l'occasion se présentait.
A l'aube, ils firent mouvement et s'installèrent sur une petite
hauteur prêts à fondre sur l'ennemi. Les canons avaient été menés
là durant la nuit et ils n'avaient qu'à attaquer l'ennemi dès que
le jour leur permettrait de confirmer leur position.
Le marquis de Madiva qui était à la manœuvre pour l'artillerie fit
arroser les ennemis d'une pluie de boulets de canon jusqu'à ce qu'il
donne l'ordre de pulvériser le petit bois où ils avaient dormi
cette nuit-là. Ses hommes étaient disciplinés et ils lui obéirent.
Le bois n'était plus qu'un amas fumant.
Le général vint le trouver à la fin de la bataille pour le
féliciter pour sa hardiesse et l'interroger sur le bombardement du
petit bois. D'après les éclaireurs, il n'y avait rien. Aurait-il eu
vent de quelque chose ?
D'un air contrit, le marquis en habits brodés reconnut du bout des
lèvres et en marmonnant dans sa fine moustache blonde qu'il avait
voulu éliminer ce nid de punaises, insecte qu'il haïssait plus que
tout au monde.
- Mais on ne tire pas du canon pour écraser une punaise !,
hurla le général, provoquant l'hilarité des soldats alentour qui
regardaient la scène. La scène fut racontée et l'expression est
restée dans les annales.