jeudi 1 décembre 2016

Invisibilité sélective

Ce matin, à mon réveil, je me levais comme d'ordinaire : en retard ! Je courais après mon bus, une tartine à la main après une douche rapide. Bien évidemment, le bus ne s'arrêta pas et j'ai dû attendre le suivant en trépignant d'impatience. Un homme lisait le journal sur le banc de l'arrêt de bus sans faire attention à moi. Mon ventre gargouillait mais je l'ignorais. Le bus suivant arriva enfin et je montais derrière le monsieur au journal. Debout dans un coin, j'écoutais de la musique et descendis à mon arrêt.

Je rejoignais mon bureau le plus discrètement possible non sans avoir pris le temps d'aller aux toilettes. En retard pour en retard, je n'étais plus à cinq minutes près. Personne ne fit attention à moi, le dos contracté, j'attendais une remarque mais rien ne vint. Je m'enfermais dans mon bureau et n'en ressortais qu'à midi, soulagé que ce retard soit passé inaperçu.

J'allais acheter un sandwich, personne ne fit attention à moi sauf le jeune stagiaire qui me servit en souriant. Courant presque, je rejoignis mon bureau où personne ne fit attention à moi. Je n'avais pas mangé ce matin-là donc je pris mon temps pour déguster ce repas bienvenu.

L'après-midi se passa de même, personne ne répondit à mon « A demain! », machinal en quittant le bureau. En rentrant chez moi, je fis un grand sourire à Solange, la petite vieille du cinquième que j'adore avec Cacahuète son imbécile de chien que je déteste mais qui étrangement m'ignora également. Je trouvais cela plus étrange que tout le reste, mais je haussais les épaules.

Le lendemain, mon patron vint me dire bonjour en me disant que j'avais bien travaillé hier mais qu'il trouvait étrange qu'on ne se soit pas croisés de la journée. Je le remerciais machinalement mais je ne comprenais pas. Il avait, à son habitude, passé son temps à passer de bureau en bureau, il m'avait forcément vu ! Solange bis la standardiste me fit la réflexion qu'elle ne m'a pas vue hier et me croyait malade. Par contre, Kevin dans le bureau à côté du mien me répondit que oui, oui, on s'est dit bonjour hier, je n'avais pas oublié.

Je posais mes affaires sans comprendre. La journée se passa sans que je n'y comprenne rien. On était vendredi, je me couchais à quatre heures du matin, épuisé. C'est dans mon sommeil que je trouvais la réponse : les gens que j'ignorais d'ordinaire, à qui je disais bonjour machinalement sans vraiment les regarder ou leur adresser un vrai bonjour. C'était le dénominateur commun ! Je me promis de faire plus attention dès lundi, un simple sourire et un vrai bonjour peut tout changer.