mardi 20 décembre 2016

Voiture égarée

- La nuit tombe, il est temps de rentrer !
Je regarde une dernière fois le barrage dont les eaux reflètent les premiers reflets du soleil couchant tandis que cette pensée envahit mon esprit. Je voudrais rester encore un peu mais il commence à faire froid et ma veste légère le laisse traverser mes vêtements.

Je regarde en arrière pour repérer l'endroit d'où je suis venu.
- Je prends la jetée, je continue tout droit, c'est la rue qui monte, je suis garé à l'endroit où ça commence à tourner. C'est parti !

Je commence à monter la jetée lentement, la pente est raide mais la pierre n'est pas glissante donc je marche facilement vers mon but. Il n'y a pas âme qui vive, j'entends le mugissement des eaux du garage, je vois les voitures garées sur les deux côtés de la rue, là où il n'y avait pas de place quand je suis arrivé, ce qui m'a valu un épique demi-tour dans une rue étroite où il n'est certainement pas prévu que les voitures stationnent des deux côtés.
Comme souvent, quelqu'un m'a observé avec attention ; ça a le don de m'énerver à un point inimaginable ! Je l'ai hélé par la fenêtre ouverte « Il y a un problème ? » « Non, non. ». La manœuvre est délicate et se joue au centimètre près, je n'ai pas droit à l'erreur et ce stress supplémentaire m'agace.

Je marche dans la nuit qui tombe, la lune est pleine, j'aime la regarder mais pas ce soir, mon col relevé et mon manteau trop léger ne suffisent pas à me protéger du froid de la nuit. Les voitures commencent à repartir, tant mieux, la mienne sera plus facile à retrouver.

Arrivé à l'endroit où ma voiture est supposée être garée, il n'y a rien. Des voitures bien sûr mais pas la mienne. Je ne comprends pas, j'avais bien pris mes points de repère pourtant ! Je remonte la rue, je la redescends, il n'y a rien. Je ne comprends pas. Je remonte de nouveau la rue en regardant dans les rues perpendiculaires, on ne sait jamais, j'ai pu mal retenir l'endroit. Mais non, je ne trouve rien. Je remonte de nouveau la rue en partant de la jetée jusqu'au début de la rue, toujours rien.

Il fait nuit maintenant, j'ai froid, je panique un peu, je marche en me parlant tout seul.
- Mais où peut bien être cette satanée bagnole ?, comme si elle s'était déplacée seule.

Je reviens au barrage et je m'assieds le plus loin que je peux. Je réfléchis, il n'y a pas de transports en commun à cette heure donc j'oublie. Je peux envisager de rentrer à pied même si ça fait un sacré chemin et revenir demain à la lumière du jour retrouver mon véhicule. Mais je suis loin du centre-ville donc je vais mettre des heures à rentrer. Mais ça reste une option, il fait froid, je ne peux passer la nuit ici, je n'ai ni argent ni téléphone car je n'ai pris que mes clés.

Je frissonne et je commence à claquer des dents de froid, énervé, je ne vois qu'une solution : explorer la zone avec minutie, repasser là où je suis passé même si je sais que cela risque de brouiller mes souvenirs. De toutes manières, je n'ai pas trente-six solutions : rester dans le froid en attendant l'aube avec l'espoir de retrouver plus facilement ma voiture à la lumière du jour ou marcher en attendant l'aube pour conserver un peu de chaleur et espérer retrouver ma voiture pour rentrer avant la fin de la nuit.

J'explore le quartier, rue par rue avec méthode : je pars de la jetée, je monte une rue, j'explore rapidement chaque rue transversale des deux côtés jusqu'en haut puis je redescends pour recommencer à la rue suivante. Peine perdue !

Dans mon énervement, les larmes me montent aux yeux. Qu'est-ce qui m'a pris d'aller me promener dans un endroit inconnu à dix-sept heures ?? Je ne pouvais pas partir plus tôt ? Je n'ai rien fait de ma journée ! J'avais tout le temps pour ça, j'avais prévu de partir en tout début d'après-midi !

De retour sur la jetée, je regarde la nuit, je savoure cette nuit tranquille car j'aime la nuit, le bruit de l'eau me berce malgré le froid. Bon, je décide de tenter autre chose, je ne peux rester là de toutes manières ; je décide de tenter de me remémorer mon trajet initial et de le reprendre en sens inverse. Je retrouve la rue par laquelle je suis venu en cette fin d'après-midi, je me souviens du panneau qui m'a intrigué et de cette plante qui pousse dans le mur en se raccrochant je ne sais comment. Je remonte la rue en essayant de retrouver mes souvenirs, je reconnais ce joli portail en fer forgé, c'est un bon point. Et soudain, que vois-je devant moi ? Ma voiture ! Garée comme je le pensais là où je me souvenais l'avoir laissée. J'ai dû passer dix fois devant elle sans la voir dans mon énervement ! J'aurais pu m'éviter des heures d'errance si j'étais resté calme.

Après avoir rageusement tapé du pied sur le bitume, je monte enfin dans ma voiture, je mets le chauffage et de la musique avant de démarrer pour rentrer chez moi. Je ressens le froid, la fatigue et la douleur de mes muscles plus précisément que lors de ma déambulation nocturne et je ne rêve qu'à la douche chaude et au repas qui m'attendent.