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La nuit tombe, il est temps de rentrer !
Je
regarde une dernière fois le barrage dont les eaux reflètent les
premiers reflets du soleil couchant tandis que cette pensée envahit
mon esprit. Je voudrais rester encore un peu mais il commence à
faire froid et ma veste légère le laisse traverser mes vêtements.
Je
regarde en arrière pour repérer l'endroit d'où je suis venu.
- Je
prends la jetée, je continue tout droit, c'est la rue qui monte, je
suis garé à l'endroit où ça commence à tourner. C'est parti !
Je
commence à monter la jetée lentement, la pente est raide mais la
pierre n'est pas glissante donc je marche facilement vers mon but. Il
n'y a pas âme qui vive, j'entends le mugissement des eaux du garage,
je vois les voitures garées sur les deux côtés de la rue, là où
il n'y avait pas de place quand je suis arrivé, ce qui m'a valu un
épique demi-tour dans une rue étroite où il n'est certainement pas
prévu que les voitures stationnent des deux côtés.
Comme souvent, quelqu'un m'a observé avec attention ; ça a le
don de m'énerver à un point inimaginable ! Je l'ai hélé par
la fenêtre ouverte « Il y a un problème ? » « Non,
non. ». La manœuvre est délicate et se joue au centimètre
près, je n'ai pas droit à l'erreur et ce stress supplémentaire
m'agace.
Je
marche dans la nuit qui tombe, la lune est pleine, j'aime la regarder
mais pas ce soir, mon col relevé et mon manteau trop léger ne
suffisent pas à me protéger du froid de la nuit. Les voitures
commencent à repartir, tant mieux, la mienne sera plus facile à
retrouver.
Arrivé à l'endroit où ma voiture est supposée être garée, il
n'y a rien. Des voitures bien sûr mais pas la mienne. Je ne
comprends pas, j'avais bien pris mes points de repère pourtant !
Je remonte la rue, je la redescends, il n'y a rien. Je ne comprends
pas. Je remonte de nouveau la rue en regardant dans les rues
perpendiculaires, on ne sait jamais, j'ai pu mal retenir l'endroit.
Mais non, je ne trouve rien. Je remonte de nouveau la rue en partant
de la jetée jusqu'au début de la rue, toujours rien.
Il
fait nuit maintenant, j'ai froid, je panique un peu, je marche en me
parlant tout seul.
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Mais où peut bien être cette satanée bagnole ?, comme si elle
s'était déplacée seule.
Je
reviens au barrage et je m'assieds le plus loin que je peux. Je
réfléchis, il n'y a pas de transports en commun à cette heure donc
j'oublie. Je peux envisager de rentrer à pied même si ça fait un
sacré chemin et revenir demain à la lumière du jour retrouver mon
véhicule. Mais je suis loin du centre-ville donc je vais mettre des
heures à rentrer. Mais ça reste une option, il fait froid, je ne
peux passer la nuit ici, je n'ai ni argent ni téléphone car je n'ai
pris que mes clés.
Je
frissonne et je commence à claquer des dents de froid, énervé, je
ne vois qu'une solution : explorer la zone avec minutie,
repasser là où je suis passé même si je sais que cela risque de
brouiller mes souvenirs. De toutes manières, je n'ai pas trente-six
solutions : rester dans le froid en attendant l'aube avec
l'espoir de retrouver plus facilement ma voiture à la lumière du
jour ou marcher en attendant l'aube pour conserver un peu de chaleur
et espérer retrouver ma voiture pour rentrer avant la fin de la
nuit.
J'explore
le quartier, rue par rue avec méthode : je pars de la jetée,
je monte une rue, j'explore rapidement chaque rue transversale des
deux côtés jusqu'en haut puis je redescends pour recommencer à la
rue suivante. Peine perdue !
Dans
mon énervement, les larmes me montent aux yeux. Qu'est-ce qui m'a
pris d'aller me promener dans un endroit inconnu à dix-sept
heures ?? Je ne pouvais pas partir plus tôt ? Je n'ai rien
fait de ma journée ! J'avais tout le temps pour ça, j'avais
prévu de partir en tout début d'après-midi !
De
retour sur la jetée, je regarde la nuit, je savoure cette nuit
tranquille car j'aime la nuit, le bruit de l'eau me berce malgré le
froid. Bon, je décide de tenter autre chose, je ne peux rester là
de toutes manières ; je décide de tenter de me remémorer mon
trajet initial et de le reprendre en sens inverse. Je retrouve la rue
par laquelle je suis venu en cette fin d'après-midi, je me souviens
du panneau qui m'a intrigué et de cette plante qui pousse dans le
mur en se raccrochant je ne sais comment. Je remonte la rue en
essayant de retrouver mes souvenirs, je reconnais ce joli portail en
fer forgé, c'est un bon point. Et soudain, que vois-je devant moi ?
Ma voiture ! Garée comme je le pensais là où je me souvenais
l'avoir laissée. J'ai dû passer dix fois devant elle sans la voir
dans mon énervement ! J'aurais pu m'éviter des heures
d'errance si j'étais resté calme.
Après
avoir rageusement tapé du pied sur le bitume, je monte enfin dans ma
voiture, je mets le chauffage et de la musique avant de démarrer
pour rentrer chez moi. Je ressens le froid, la fatigue et la douleur
de mes muscles plus précisément que lors de ma déambulation
nocturne et je ne rêve qu'à la douche chaude et au repas qui
m'attendent.